L’engagement politique est, en tout premier lieu, un engagement personnel. On ne s’engage pas en politique pour autrui mais pour soi-même d’abord. On s’engage pour le triomphe des valeurs et principes auxquels on croit. Cet engagement a inéluctablement un coût et comporte des risques surtout dans un pays où la démocratie et l’État de droit ne sont pas fortement ancrés. Parmi les risques majeurs auxquels est exposé un homme politique en Afrique, il y a les détentions arbitraires voire la mort. Alpha Condé disait d’ailleurs, quand il était dans l’opposition, que la prison fait partie de son programme. Autrement dit, quand on s’engage en politique sous les tropiques, il faut s’attendre à aller en prison à un moment où à un autre. Fort de cette conviction, l’homme politique devient un adversaire redoutable pour le pouvoir.
Quel est cet homme politique qui accepterait que ses militants soient embastillés puisqu’il n’est rien sans ces derniers ? Ce serait donc injuste de s’en prendre à un leader politique parce que des militants de son parti sont détenus. On appelle cela se tromper d’adversaire et de combat.
Il serait plus juste de combattre ceux qui sont à la base de l’arrestation, de la condamnation et de l’arrestation de centaines de militants des partis politiques de l’opposition. Faut-il perdre de vue qu’il y a quelques années, la mort de l’opposition avait été annoncée par l’ancien opposant devenu Président de la République? Personne ne pouvait imaginer cependant que cela passerait par la répression violente de toutes les manifestations, par la mort de citoyens, la détention sans motif de certains d’entre eux, les multiples entraves à l’exercice d’activités politiques. Les Guinéens se rendent compte malheureusement que c’est de cela qu’il s’agit effectivement.
Dans une société démocratique, le recours aux armes pour se faire entendre et pour faire prendre en compte ses revendications est totalement prohibée. Cette prohibition s’impose tout particulièrement aux partis politiques. C’est pourquoi, des moyens démocratiques et républicains sont prévus pour permettre aux partis politiques de s’exprimer. En leur enlevant par la force ces moyens d’action, on assassine tout simplement la démocratie et l’État de droit.
Or, l’alternative à la démocratie ne peut être que la dictature et l’autoritarisme. Aujourd’hui, c’est la mort dans l’âme que les Guinéens assistent au trépas de notre jeune démocratie. Le regret que beaucoup ressentent, c’est le fait que de nombreux citoyens se soient battus au prix de leur vie pour l’avènement d’une réelle démocratie en Guinée et de constater, impuissants, qu’il faudra attendre des années encore avant que le pays ne soit véritablement démocratique. Quel gâchis ! On ne peut s’empêcher de dire avec regret «tout ça pour ça.»
Me Mohamed Traoré,
Ancien Bâtonnier