Le 3 août, le gouvernement guinéen a augmenté le prix du carburant de 9 000 à 11 000 GNF. Le syndicat des transporteurs s’engage auprès du gouvernement à maintenir le prix du transport à 1 500 GNF par tronçon. Ce que rejettent les chauffeurs de taxi qui ont déclenché une grève de trois jours à compter de ce 9 août en Guinée. Ce lundi, la circulation est restée fluide sur la route Leprince, mais aucun taxi ou minibus n’était visible. Seuls les véhicules personnels et quelques gros porteurs circulaient.
Les raisons du débrayage
Ousmane Bah, chauffeur de taxi rencontré à Bambéto, revient sur les raisons de la grève : « Nous sommes en grève parce que l’Etat a augmenté le prix du carburant et nous a interdit d’augmenter le prix du transport. Sur le prix de chaque litre de carburant, il y a eu un rajout de 2 000 GNF. Nous avons préféré ajouter 500 GNF par tronçon, mais les syndicats disent que celui qui augmente le prix du transport sera arrêté. C’est pourquoi nous avons décidé d’aller en grève ce lundi jusqu’au mercredi. Après ces trois jours de grève, s’il n’y a pas d’entente, nous allons reprendre la grève le lundi prochain ».
Au moment où le litre du carburant coûtait 10 000 francs, celui du transport par tronçon (à Conakry) était officiellement fixé à 1 300 francs. Mais faute de petites coupures due à la chute de la monnaie guinéenne, une entente tacite entre voyageurs et conducteurs de taxi maintenait le tarif à 1 500 francs. Avec le prix du carburant aujourd’hui à 11 000 francs, autorités et syndicats de transport estiment que le prix du tronçon peut demeurer inchangé. Un quiproquo qui a pour conséquences des empoignades entre chauffeurs de taxi et passagers.
Pour Mamadou Yaya Bah, chauffeur de taxi, en faisant payer 1500 GNF par tronçon, les transporteurs rouleraient à perte. « Le prix du carburant est cher. Les passagers nous reprochent de faire payer 2 000 alors que l’Etat a fixé le prix du tronçon à 1 500 GNF. Pourtant avec ce prix, nous ne pouvons pas nous en sortir. Nous supplions l’Etat de revoir le prix du carburant pour que nous puissions travailler comme il faut, ou bien qu’il nous laisse faire payer le tronçon à 2000 GNF ».
Persistance des rackets policiers ?
L’autre argument avancé par l’Etat pour le maintien du prix du transport inchangé est le profit que tireraient les transporteurs de la suppression des rackets policiers. « Les barrages coûtaient du temps et de l’argent, disent les transporteurs. Leur suppression leur dégage une marge économique non négligeable. La bonne nouvelle est que l’augmentation n’a pas d’impact sur le coût de la vie comme beaucoup le craignaient », a déclaré le porte-parole du gouvernement Tibou Kamara. « Jusqu’à présent la police nous fatigue. Quand nous prenons deux personnes devant, parfois elle nous accuse de mauvais stationnement. Ils nous soutirent de l’argent même si on a nos papiers au complet. Devant les autorités, les policiers acceptent leurs consignes, mais c’est le contraire sur le terrain », répond Mamadou Yaya Bah.
« Les barrages routiers sont toujours visibles et nous faisons toujours face aux mêmes rackets », ajoute un transporteur qui fait le trajet Conakry-Labé.
Taxi-motos, les businessman de la grève
Si quelques voitures personnelles faisaient du covoiturage, le débrayage a entraîné une crise de moyens de transport chez les populations de Conakry. « J’ai fait deux heures en train de chercher un taxi pour me rendre au travail. Mais, il n’y a que des véhicules personnels et les motards qui roulent. Vraiment ça ne va pas dans le pays. On s’en remet à Dieu », déplore Alhassane Barry, rencontré à Simambossia, commune de Ratoma.
La grève des transporteurs est l’occasion pour les conducteurs de taxi-moto de renchérir les prix de déplacement. Maoro Béavogui, agent de l’Electricité de Guinée (EDG), rencontré à Bambéto, n’a pas pu se rendre à son lieu de travail à Lambanyi : « Vraiment, ce n’est pas facile de se déplacer aujourd’hui à Conakry. J’ai l’habitude d’emprunter le taxi-moto de mon domicile à Bambéto à 5 000 GNF, mais aujourd’hui j’ai payé 8 000 GNF. J’ai passé 30 minutes à Bambéto en attendant un taxi. En vain. Je n’ai pas d’argent pour continuer à taxi moto jusqu’à mon lieu de travail. Je vais patienter pour voir si je peux avoir une connaissance ou une autre occasion, sinon je retournerai à la maison ».
Des passagers laissés à quai
Idrissa Touré, menuisier, rencontré au carrefour Cosa, estime que l’augmentation du prix du carburant ne devrait pas intervenir en ce moment, car le contexte est « difficile ». Depuis trois heures, il attend un taxi pour Kaloum, en vain. « J’ai voulu emprunter une moto taxi, mais le prix est cher. Lorsqu’un motard m’a dit que de Cosa à Bambéto, c’est à 10 000 GNF (le double du prix habituel, ndlr), j’ai renoncé. Je vais patienter, si je ne trouve pas de solution, je vais rentrer à la maison. Nous demandons à l’Etat de revoir le prix du carburant en cette période de crise sanitaire ».
Issiaga Diallo est conducteur de mototaxi à Bambéto. Pour lui, il n’y a pas de prix fixe : «Travailler aujourd’hui est un risque parce que c’est un jour de grève. Il n’y a pas assez de mouvement. De Kipé à Bambéto, le prix dépend de la négociation. Certains vont à 5 000 et d’autres à 10 000 GNF ».
Baïlo Diallo