La Guinée a célébré son 63ème anniversaire d’indépendance dans une situation particulière marquée par plusieurs évènements notamment politique et sanitaire pour ne citer qu’eux. A tous les Guinéens, nous souhaitons nos vœux les plus chaleureux de bonne fête d’indépendance. Célébrer notre indépendance, c’est surtout honorer le courage et le sacrifice de nos héros qui ont défendu notre nation face à l’administration coloniale, au prix de leur vie.
Il convient de rappeler que cette fête, symbole notre liberté, doit être un moment fort pour rassembler tous les Guinéens autour des valeurs cardinales que nous avons perdu jadis, entre autres : l‘unité, l’égalité, la sécurité, la justice, la solidarité, la paix, la fraternité humaine et la cohésion sociale. Les autorités actuelles ont la lourde responsabilité de réunir à nouveau les Guinéens autour de l’essentiel car les Anciens nous ont légué une nation unie et un destin partagé. Pour ce faire, elles doivent continuer à travailler pour la consolidation de l’unité nationale.
Les conditions dans lesquelles vit la population, le mode de fonctionnement de notre économie dont la monnaie reflète l’état de santé, mettent en exergue la nécessité et l’urgence des réformes à tous les niveaux avant toute élection. Ces réformes auront pour objectif de mettre fin à plus de 60 années de gouvernance sans issue pour ne pas dire de mauvaise gouvernance, de pauvreté et de corruption systémique et généralisée.
Cette nouvelle transition ne sera pas douce pour les Guinéens. Il est à souhaiter qu’elle soit la dernière, les coups d’Etat affectent la plupart des pays, des bouleversements y sont inévitables pour remettre les pays concernés sur les rails.
Après la transition politique, l’urgence est à la transition économique, il faut extraire des millions des Guinéens de l’extrême pauvreté. Les nouvelles autorités ne manqueront pas du bon sens, commun, suprême sagesse : «L’indépendance politique n’acquiert son sens véritable que si elle aboutit à l’indépendance économique». Les réformes doivent s’accompagner de pédagogie, de tact, de vision et de talent au risque de renforcer les difficultés déjà socialement intenables.
Cet article succinct face à la situation exceptionnelle dans laquelle nous vivons actuellement a un seul objectif : apporter notre pierre à la construction de l’édifice. De ce fait, il n’a pas vocation à être exhaustif ni dans la description et l’analyse rapide des problèmes posés ni dans ces suggestions.
Comité d’audit
Qu’elle soit lointaine ou récente, la gestion des deniers publics en République de Guinée doit être auditée à tous les niveaux si jamais les nouvelles autorités veulent mettre en place les bases d’un développement harmonieux et durable.
A observer le train de vie de certains commis de l’Etat, bon nombre de Guinéens voient aujourd’hui la Fonction publique comme l’endroit idéal pour réussir le pari dans un laps de temps. Beaucoup de Guinéens aspirent au changement mais ils ne le désirent pas vraiment. Ils souhaitent tout simplement se retrouver à la même place que ceux qu’ils combattent pour prendre leur part, la plupart d’entre eux l’expriment à longueur de temps. Du coup, il est difficile voire impossible de développer un pays avec des telles idées d’une autre époque. Pour pallier ces tares, il faudra montrer aux Guinéens qu’il n’est plus possible de faire n’importe quoi avec l’argent des contribuables ou celui des bailleurs.
La finalité de cet audit consistera à la mise en place d’un système de contrôle de l’utilisation des ressources financières allouées à tous les démembrements de l’administration publique de manière à éviter qu’on replonge dans les erreurs du passé. Compte tenu de la situation qui prévaut et des risques de sanctions que nous courons, nul besoin de recruter des cabinets externes, qui ne connaissent rien de la Guinée, pour faire ce travail. Il peut être bien exécuté par des cabinets d’audit présents en Guinée. Cet audit ne doit en aucun cas être une occasion pour s’en prendre à des Guinéens qui ont servi le pays loyalement ou non pendant plusieurs années, mais plutôt une opportunité pour montrer également la situation dans laquelle le CNRD a pris le pouvoir car l’histoire est très têtue. Enfin, s’il y a une mesure à notre avis porteuse d’avenir, c’est celle qui consiste à déclarer tous les biens des ministres et hauts dignitaires de l’Etat. Cette pratique devait s’étendre au chef de l’Etat avant prise de fonction.
Hausses des taxes sur les opérateurs de la téléphonie mobile
Si de nos jours la consommation des produits de la téléphonie mobile devient de plus en plus compliquée pour les Guinéens, c’est en grande partie à cause des taxes multifacettes imposées par les autorités guinéennes depuis un certain temps. C’est suite à la hausse de la Taxe sur la Consommation Téléphonique (TCT), qu’Orange Guinée et MTN avaient annoncé à travers un communiqué une augmentation des services et offres de télécommunications à compter du mercredi 1er juillet 2015.
Cette nouvelle taxe, instituée par le gouvernement à travers la loi L/2015/N°002AN du 20 mars 2015, avait ainsi touché l’appel téléphonique fixe et mobile, l’interconnexion et le Roaming, selon le communiqué conjoint publié le 8 juin 2015 par les ministres du Budget des télécommunications. C’est de la même manière qu’un communiqué publié le 25 janvier 2016 par le ministre du Budget a annoncé de nouvelles modifications fiscales dans la Loi de Finances 2016, adoptée le 16 janvier 2016. Ces modifications ont permis d’introduire des nouvelles taxes la taxe sur le SMS et la Data. Le SMS coûtera désormais 10 francs guinéens tandis que la taxe sur l’accès à Internet représentera 5% du montant du forfait souscrit. Il y a aussi la TVA, la taxe pour les trafics entrants à l’international et les redevances payées à l’Autorité de régulation.
Comme si tout cela ne suffisait pas, l’ARPT a créé une nouvelle taxe appelée Taxe Interconnexion pour les appels internes suite au constat de la hausse du volume de ces derniers. Pour ce faire, elle a diminué tout d’abord la taxe inter-opérateur de GNF 30 à GNF 20, puis a fixé la nouvelle taxe à GNF 30. Cette nouvelle taxe est venue ainsi mettre fin à la gratuité (bonus hebdomadaire par exemple). Tous ces impôts ont asphyxié le marché télécom guinéen, ils sont supportés par les consommateurs qui voient ainsi leur pouvoir d’achat s’effriter du jour au lendemain. Dans ce nouveau contexte, il est clair que les bonus et autres promotions lancées par les opérateurs devaient être supprimés.
Hausse du Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance
Selon les échanges que nous avons eus avec le syndicat des travailleurs, le SMIC a été institué vers 2012/13. Avant son implémentation, il y avait le Salaire Minimum Interprofessionnel de Garantie (SMIG). Depuis son instauration, le SMIC n’a pratiquement pas connu de révision depuis qu’il a été fixé à GNF 440 000. L’inflation continue à éroder le pouvoir d’achat des agents économiques. Ce n’est pas pour rien que les deniers publics font l’objet de détournement dans la plupart des secteurs de l’économie nationale. A notre humble avis, la lutte contre ce fléau passe par l’amélioration des conditions de vies des Guinéens.
Dans les conditions normales, le code du travail doit prévoir si ce n’est pas fait une hausse mécanique du SMIC lorsque l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC) atteint un niveau correspondant à un seuil fixé par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du SMIC et que le salaire minimum est relevé « dans la même proportion.
Du coup, cette mesure devrait atténuer ainsi les conséquences de l’adossement du SMIC à l’inflation de manière à ce que l’augmentation du Niveau Général des Prix soit maitrisée, faute de quoi, l’Etat contribuera à entretenir une bulle inflationniste sans précédent.
D’autres mesures non exhaustives telles que la poursuite des efforts allant dans le sens de l’assainissement des finances publiques, la lutte contre la corruption systémique et généralisée, à la participation des femmes et des jeunes à l’élaboration et la mise en œuvre des plans pluriannuels de développement, la mise en place d’une commission paix, justice et réconciliation nationale s’imposent avant l’organisation des élections communales, législatives et présidentielles car, elles nous semblent tenables même à très courte durée si jamais il y a la volonté. Vu tout ce qu’il y aura à faire, nous pensons en notre for intérieur, que la durée de la transition dépendra des objectifs qui seront assignés, au contraire de ceux qui spéculent sur cette problématique comme bon leur semble.
La récurrence des crises socio-politiques augmente le risque-pays, émet un mauvais signal au plan international et conduit à une forte hésitation des investisseurs à se tourner vers la Guinée. Le retard de la Guinée sur le plan économique tient aux fortes tensions qui secouent constamment le pays.
En cette transition politique consécutive au coup d’Etat du 5 septembre, les activités économiques tourneront au ralenti ou tourneront à l’arrêt. L’administration fiscale ne sera pas en mesure de fonctionner correctement pour procéder à la perception des impôts, taxes et redevances. Les secteurs portuaire, aéroportuaire et douanier qui procurent à l’État l’essentiel des ressources financières tourneront au ralenti, les maigres recettes que l’Etat percevra seront utilisées au fonctionnement, probablement le blocus sera imposé au pays.
Les charges connaitront des hausses vertigineuses, le bilan économique sera difficile à quantifier. Si nous ne faisons pas attention, la période post-transition sera à la reconstruction plutôt qu’au développement. Le temps pour notre pays de se reconstruire pour envisager un avenir meilleur, il y a à nouveau des contestations sociales et électorales. La Guinée doit saisir cette nouvelle opportunité qui s’offre à lui de participer activement à sa transformation politique, économique et sociale, son avenir se joue maintenant.
Safayiou Diallo, citoyen guinéen