Depuis janvier 2021, Electricité de Guinée (EDG) a repris la facturation normale du service à ses abonnés. Cette opération avait été momentanément suspendue sur décision du gouvernement, impliquant la fin d’une période de « gratuité ». Pour les abonnés, la fin de la gratuité est marquée par une forte augmentation inexpliquée des nouvelles factures émises. Une situation qu’ils ont du mal à accepter. La direction d’EDG a donné des explications. Les abonnés restent perdus.
En avril 2020, le gouvernement guinéen a confiné la capitale, mis en place un plan dit de « riposte au Covid-19 », et annoncé que l’Etat pend intégralement en charge les factures d’eau et d’électricité jusqu’en décembre 2020 pour les abonnés au tarif social.
Le tarif dit « social » d’Electricité de Guinée concerne les abonnées dont la consommation n’excède pas 40 kwh par mois. Ce sont ces abonnés, souvent aux revenus modestes, ayant besoin de l’électricité essentiellement pour usage domestique, qui sont aujourd’hui en grogne et dans l’incompréhension totale. Beaucoup d’entre eux accusent EDG d’avoir gonflé les factures pour rattraper le manque causé par la période de « gratuité » décrétée par l’Etat.
A Conakry, les témoignages ne manquent pas parmi les abonnés mécontents. De manière générale, les abonnés se plaignent de factures qu’ils disent jusqu’à dix fois plus élevées que d’habitude. Par exemple, un abonné qui a l’habitude de payer 100.000 francs guinéens avec un solde « zéro », reçoit une facture de 200.000 francs guinéens, avec un solde de six millions francs guinéens. EDG explique que l’Etat ne lui a pas payé la facture pendant le confinement, c’est aux consommateurs de payer.
Beaucoup ont saisi l’UCG, Union des consommateurs de Guinée, qui « défend » les intérêts des consommateurs. Une fois saisie, l’UCG préfère renvoyer l’abonné à l’agence éditrice de la facture pour arrangement à l’amiable.
« Si les deux parties ne s’entendent pas, nous intervenons pour faire la médiation. Dans la plupart des cas, on trouve un compromis », a expliqué M. Ousmane Keita, le président de l’UCG.
M. Keita explique que l’augmentation du tarif fait suite à un arrêté ministériel et une recommandation du Fonds monétaire international (FMI) pour « réduire » le gap entre le prix d’achat et le prix de vente.
Une équipe du Fonds monétaire international lors d’une mission virtuelle du 23 septembre au 23 octobre 2020 a également fait des recommandations à la Guinée.
Mme Clara Mira, cheffe de mission avait indiqué que pour la relance de l’économie post Covid-19, il est essentiel de mobiliser des recettes fiscales supplémentaires, en particulier dans le secteur minier et de réduire « progressivement les subventions d’électricité pour créer un espace budgétaire permettant d’accroître les investissements publics pour soutenir la croissance à moyen terme ».
Le peuple, dindon de la farce
L’argument selon lequel l’Etat n’a pas honoré son engagement à payer les factures d’électricité est souvent évoqué par EDG. C’est une évidence selon le rapport d’audit de la Cour des comptes sur le Fonds Covid-19.
La société EDG a soumis à l’Etat pour paiement la somme de 418.315.660.846 francs guinéens soit 43.926.878 dollars (taux de 1 dollar pour 9.523 du 3 novembre 2021 de la Banque centrale de la République de Guinée) correspondant aux consommations des clients domestiques vulnérables, non vulnérables ainsi que des hôtels et industries du tourisme pour la période d’avril à décembre 2020. L’Etat s’est acquitté de 194.864.369.879 francs guinéens (20.462.498 de dollars) et reste redevable 223.451.290.967 francs guinéens soit 23.464.380 dollars.
Mais l’audit de la gestion du fonds Covid-19 par la Cour des comptes a permis de découvrir l’existence pour certains abonnés d’un solde pour la période d’avril à décembre 2020, alors que cette tranche est déjà facturée à l’Etat. Elle ne devrait plus apparaitre chez les clients. EDG a publié un communiqué le 20 février 2021, justifiant ces irrégularités par l’accumulation du non-paiement des consommations de la troisième tranche (consommation supérieure à 330 kw/h par mois), d’avril à décembre 2020 (à la charge des abonnés).
Sauf que dans le plan de riposte, ni Gouvernement ni EDG n’avait apporté cette précision pour les consommateurs. Le site guinéen Inquisiteur a enquêté sur cette augmentation tarifaire, a mis la main sur un mail du 3 décembre intitulé « Changement Tarif EDG », le directeur commercial de l’entreprise a informé les chefs d’agences que l’ajustement des prix n’est pas une erreur, mais une décision prise et conforme à un arrêté ministériel du 20 juin 2021.
Sauf que le service commercial a délibérément omis d’informer le public. Le nouveau plan tarifaire confirme qu’il y a eu des augmentations de plus de 100%, selon l’Inquisiteur. Discrètement.
Le service commercial d’EDG persiste et signe qu’il n’y a aucune surfacturation, les abonnés ont profité de la gratuité pour augmenter leur consommation, alors que la gratuité avait des limites : « Si en 30 jours la consommation est de 40 kwh (première tranche), l’abonné paie 90 francs le Kwh. Supérieur à 330 kwh en un mois, c’est la troisième tranche, le tarif peut atteindre 296 francs guinéens, tarif le plus élevé pour les ménages ». Toutes les victimes disent être dans la première ou deuxième tranche. Pourtant les factures ont augmenté.
Le directeur d’DG, Bangaly Maty, lors d’une conférence le 22 octobre, a fait savoir qu’EDG produit environs 2.466 GWH pour ses 620.000 clients environs. Le prix de vente du kilowattheure, dit-il, est de 680 francs guinéens alors qu’il est produit à 2.100 francs guinéens. Il a reconnu un ajustement tarifaire (jamais rendu public auparavant) pour atteindre un équilibre financier. « Soit l’Etat continue de subventionner ou les abonnés paient le tarif normal ».
Ouestafnews et Le Lynx