Pour le moment, ni la durée de la transition ni la feuille de route du gouvernement n’est connue. En attendant, l’on a recueilli les avis de Dr Ramadan Diallo, enseignant-chercheur, sur les actions qui devraient être entreprises dans le secteur de l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique qui, pour la première fois de son histoire, est dirigé par une femme, Dr Diaka Sidibé.
Selon lui, dans une transition courte ou transition constitutionnelle, le ministère de l’Enseignement supérieur se limitera à la gestion des affaires courantes. Ce qui suppose la mise à la disposition des Institutions d’Enseignement et de Recherche publiques des ressources nécessaires et s’assurer que celles-là sont bien gouvernées. Dans une telle situation, il est difficile d’engager des réformes.
L’Enseignement, technique et de courte durée
En revanche, si le CNRD opte pour une transition de réforme ou de refondation, comme on l’entend toujours dans les discours, il y a des actes plus significatifs qu’il est nécessaire de réaliser. Dans la perspective d’une transition de refondation, Dr Ramadan propose que « pour une fois, les autorités essaient d’harmoniser les offres de formation avec les besoins de la société, pour qu’on arrête de dire que l’école guinéenne forme des chômeurs. Alors que la vocation doit être de former des gens qu’on emploie ou qui crée de l’emploi. Une telle réforme exige que le ministère étudie les besoins de la société dans les domaines primaires, secondaires et tertiaires. Il faudra réduire drastiquement les offres de formation d’ordre littéraire et social et miser plus sur les offres de formations techniques et technologiques. La Guinée a besoin des gens qui ont de formations brèves, mais qui savent faire quelque chose : plomberie, menuiserie, électricité, mécanique… en lieu et place de de la philosophie, du droit, de la littérature. » Ce qui suppose que l’Etat va investir plus dans les formations professionnelles pré-universitaires à travers les lycées techniques et moins dans les formations universitaires post-bac. « En envoyant moins de personnes à l’université, l’Etat économise et peut offrir des meilleures conditions dans les études avancées », croit Dr Ramadan Diallo.
La Recherche, le parent pauvre
Par ailleurs, Dr Ramadan propose qu’on mette du contenu dans la Recherche qu’il qualifie de « parent pauvre en Guinée, malgré son importance. Si on se réfère au nombre d’inscrits en études avancées (Master et Thèse) qui fait à peine 5% des étudiants guinéens, on peut dire qu’il n’y a pas de recherche. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la Guinée est un des rares pays où il faut payer cher pour faire des études avancées. Actuellement, pour faire un Master en Guinée il faut payer en moyenne 18 millions alors qu’en France l’étudiant paie entre 400 et 1000 euros. Quant au doctorat, pour trois ans en France, le candidat paie à peu près 1 500 euros, alors qu’en Guinée le Doctorat coûte au moins 40 000 000 GNF. Ce n’est pas accessible à ceux qui veulent le faire. On fait du privé dans le publique. »
De la création d’un Fonds spécial de recherche et d’innovation
Comment peut-on innover si on ne fait pas de la recherche ? interroge l’enseignant, qui voit Enseignement-Recherche-Innovation comme un ensemble interdépendant. Au-delà de rendre gratuit ou réduire les coûts des études avancées, il propose que l’Etat soutienne la recherche en créant un Fonds spécial de recherche et d’innovation. Ce fonds permettra de financer les projets d’écriture et de publication d’articles, des colloques, des journées d’études, ainsi que les projets de création des laboratoires et revues reconnues avec des comités de lecture crédibles pour vulgariser les travaux des chercheurs guinéens. « Dans les structures d’Enseignement et de recherche il n’y a que des bulletins, des publications abusivement appelées revues sans aucune reconnaissance en dehors du pays », regrette-t-il. A l’Etat de penser à la création d’un Prix de l’Innovation qui, chaque année, récompensera une action individuelle ou collective et la vulgarisera. Cela, estime Dr Diallo, aurait pour avantage de créer l’esprit de compétition entre les chercheurs, mais aussi entre les structures.
Revoir le mode de recrutement
Pour parvenir à des telles réformes, il va falloir donner un coup de pieds à la fourmilière, changer le mode de recrutement des enseignants-chercheurs, être plus rigoureux dans leur évolution en grade sans être un facteur de blocage pour certains, à cause de la jalousie ou des questions personnelles. « Il y a quelques années, des réformes ont été engagées dans le but d’intégrer systématiquement dans le circuit de l’Enseignement supérieur tous les titulaires de Doctorat. Je pense qu’il faut continuer. C’est difficile de comprendre que quelqu’un qui a une Maîtrise soit Assistant alors que celui qui a un Doctorat est vacataire dans une université. La classe enseignante doit être renouvelée. Il y a des jeunes guinéens à travers le monde qui ont ce qu’il faut et la volonté, il suffit de leur donner de la place. Pour ne pas exclure ceux qui sont âgés, on peut créer le titre de Professeur-émérite, les concernés peuvent aller à la retraite avec la possibilité de servir pendant 3 à 5 ans encore.»
Th Hassan Diallo