On avait chanté sur tous les toits qu’Alpha Condé était malade hospitalisé et surtout, sous haute surveillance, loin de tout contact et de moyen de communication. Mais les derniers événements semblent contredire ces vérités d’antan et donner raison à ceux qui doutaient et s’inquiétaient d’éventuels dangers liés à une quelconque liberté pour l’ancien président avant la fin de la transition.
Depuis pratiquement deux semaines, l’ancien locataire du Palais Sékhourouréya cristallise les débats. Tout a commencé avec la guéguerre de succession qui met aux prises Kassory Fofana, ancien PM d’Alpha Condé et certains éléments du RPG arc-en-ciel, l’ancien parti au pouvoir. C’est alors que le nom du président déchu s’est invité dans les débats à travers un document à lui attribué, désignant Kassory pour diriger ce qu’ils ont appelé là-bas le Comité exécutif provisoire du RPG-arc-en-ciel.
Le débat n’était pas clos sur l’authenticité de ce document quand on a servi un audio de quelques minutes, dans lequel l’ancien président est à fond dans la prédiction sur l’avenir de la Guinée et la stratégie permettant à son parti de reconquérir le pouvoir. Malgré le bruit d’une chaine de télévision à côté, on entend l’ancien président prévenir et proposer : « Il va y avoir des crises partout en Afrique. Il faut que le parti soit en ordre de bataille, parce qu’en Guinée ça va aller très mal. Dans tous les autres pays, ça va aller très mal, mais particulièrement en Guinée parce que tous les prix sont montés. Tous les prix vont monter en flèche ».
Alpha Condé revient sur la gestion du RPG arc-en-ciel qu’il chérit tel son bébé. Dire que c’est l’unique qu’il a, d’ailleurs ! Certains pensent que le RPG et Alpha Condé, c’est une histoire à vie. Les deux se sont entretenus pendant 40 ans avant d’arriver au pouvoir et pendant ses dix ans de règne, Alpha Condé a gardé son autorité sur le parti. Et, en violation des textes du pays, il participait aux AG du parti. Il a fallu le 5 septembre et son éloignement du pays pour qu’on évoque la gestion du RPG sans lui. Rien ne se fait jusqu’ici sans Alpha Condé. De loin et pendant que le parti risque une implosion, l’ancien président donne les directives et fait feu de tout bois, y compris naturellement son jeu favori : l’ethno stratégie. « Il faut qu’il y ait Damaro, qu’il y ait Kalil (Kaba), Kassory, Zakaria Koulibali… pour une gestion collégiale. Il faut permettre que les jeunes qui sont pour Kalil se retrouvent. Il faut aussi un peulh, Bantama… Pour éviter des divisions, il faut mettre en place une gestion collégiale ».
Alpha Condé révèle quelque peu sa stratégie pour faire face « au défi Cellou Dalein Diallo » et évoque certains de ses « soutiens » de par le passé. « Pour le moment, on a deux défis : nous réunir et tirer les autres. Par exemple, Faya m’avait soutenu, ensuite à travers deux filles là de Labé, on peut gagner les gens de Cellou avec qui j’avais commencé de travailler. Il faut élargir et tirer le tapis sur Cellou. Il y a des gens qui peuvent nous aider et qui avaient commencé de travailler avec les gens de Cellou. Il y a un certain nombre de jeunes qui veulent le déstabiliser. Sidya, ses gens sont plutôt avec nous. Cellou, une bonne partie de ses gens sont avec nous. Je crois qu’il est déçu et je pense ce sont eux (Cellou Dalein et ses militants) qui vont s’opposer de plus à Doumbouya ».
Le stratège utilise le point faible des autres pour les éliminer. Le mariage entre l’opposition et le CNRD le lendemain du 5 septembre n’était pas du goût du pouvoir déchu. Depuis un moment, le CNRD comme métamorphosé, pose des actes qui irritent de plus en plus l’opposition et cette société civile réunie au sein du FNDC, au point que certains acteurs politiques et de la société civile parlent de « nébuleuse » et se demandent « si le CNRD n’est pas l’otage de la partie toxique du RPG ».
Récupérer le pouvoir se venger
Joint au téléphone, Fodé Oussou Fofana est formel : « Alpha Condé a donné raison à ceux qui pensaient qu’il n’était pas malade, qu’il fallait juste envoyer un médecin l’examiner ici et lui donner des soins. Il a mis dans une mauvaise position ceux qui mettaient en avant le côté humanitaire. Et plus grave, le CNRD qui l’a laissé partir est en mauvaise posture ». Le Vice-président de l’UFDG se demande qui a négocié la sortie d’Alpha Condé et ne souhaite pas être à la place des responsables du RPG. Pour lui, « à la présidentielle de 2010, Alpha Condé pensait qu’il n’avait pas d’adversaire, étant donné que ses anciens compagnons n’étaient plus et Jean-Marie Doré n’était pas candidat. Depuis que Cellou Dalein à la tête de l’UFDG l’a malmené, il ne peut pas commencer une discussion et la finir sans évoquer le nom de Cellou. C’est son cauchemar. Cellou Dalein c’est la pathologie d’Alpha Condé qu’aucun médecin ne peut soigner », s’est marré Fodé Oussou. Jurant que « C’est le nom de Cellou qu’Alpha Condé prononcera comme dernier mot avant de mourir ».
Au CNRD, Fodé Oussou Fofana rappelle que le « seul souci d’Alpha Condé est de déstabiliser la Guinée, il n’a pas de souci pour le pays ni pour l’unité nationale. Il n’a de souci que pour lui. Je conseille au CNRD d’entrer en contact avec ceux qui se sont porté garants pour que Alpha sorte, afin que s’il a fini son traitement il revienne répondre de ses actes. Le CNRD ne doit pas oublier qu’il y a plus de 100 jeunes enterrés à Bambéto, morts sous le règne d’Alpha Condé. Tout ce qu’Alpha Condé souhaite c’est récupérer le pouvoir et se venger. Et s’il va se venger, ce sera en première position du CNRD. »
Mamadou Sylla l’avait prédit
Comme d’autres concitoyens, Mamadou Sylla, président de l’UDG (Union démocratique de Guinée), avait crié gare, quand l’idée de laisser Alpha Condé partir a germé. Aujourd’hui, il en veut à Mamadi Doumbouya, le chef de la junte : « Je ne peux accuser que le président Mamadi Doumbouya, parce que c’est lui qui a fait partir Alpha Condé. J’ai dit que si Alpha Condé part, il y aura une insécurité parce que je connais ce qu’il a fait ici par rapport à l’histoire de rébellion, lui-même l’a avoué ici qu’il était derrière ça. J’ai dit : si vous le faites partir, attendez-vous à quelque chose. Maintenant, on n’a rien vu encore. Comme, on le dit, c’est la fumée qu’on a vue, le feu est derrière. Il va continuer à déstabiliser le pays même avec des déclarations ». Pour le moment, on n’y est pas arrivé.
Th Hassane Diallo