M. Béavogui, la primature n’est pas un monastère. Par son silence assourdissant, Mohamed Béavogui aurait été un très grand président dans un régime très parlementaire où le président sert à l’inauguration des chrysanthèmes, comme en Allemagne. En cette période majeure de notre histoire, Mohamed Béavogui aurait dû enfiler le costume d’un vrai premier ministre, à la manière d’un chef de majorité parlementaire, c’est-à-dire le vrai patron de l’exécutif.

Ils n’ont pas du tout tort, ces Guinéens qui disent que notre premier ministre est le chef de gouvernement le plus transparent, le plus invisible, le plus aphone du continent africain. Monsieur le premier ministre, (pardon! le premier ermite), sortez de votre ermitage! Nous ne sommes pas aux Nations Unies. Sortez! de l’obligation de réserve et d’impartialité propre à la fonction publique internationale, où vous n’étiez pas, à ce que l’on sache, permis de prendre parti ou d’exprimer publiquement vos opinions sur des sujets controversés. Nous rappelons que la primature n’est pas une maison de retraite (spirituelle) ou un monastère. Quoi de plus ahurissant que d’avoir un chef de gouvernement muet à la tête d’un Etat dirigé par la grande muette? Hélas, bien des fois, la Guinée est un modèle d’anomalies et de paradoxes de toutes sortes. Mon Dieu! Si ce n’est pas Dadis, c’est Béavogui, si ce n’est pas un premier ministre-imam, c’est un premier ministre-muet à la tête de nos gouvernements ces dernières décennies. En d’autres mots, la malchance de la Guinée en période de transition, c’est aussi d’avoir, soit un chef de junte affirmé et tapette, soit un premier ministre effacé et lopette. Disons, cette espèce de premier ministre bolosse, de Komara à Béavogui en passant par Saïd Fofana. En effet, Béavogui apparaît comme la version lite de Komara. On se rappelle du Dadis show humiliant contre ce dernier. À la différence que lors de la transition de 2008, où nous avons eu droit à un chef de junte babillard, l’actuelle transition politique se démarque par ses problèmes de communication, car Doumbouya n’est pas bavard, il communique de façon circonscrite. Son premier ministre est discret. Qui communique alors dans ce gouvernement ? Ce n’est pas la belle Rose, non plus, le porte-parole, originaire qu’il est d’une préfecture aux trois cents millions d’habitants ; encore moins l’Anonymous CNRD.

 Si Alpha Condé n’avait jamais été président, en guise d’oraison funèbre, les Guinéens se seraient plaints au Seigneur d’avoir été privés d’un grand démocrate. De même, si cet ancien fonctionnaire onusien n’avait pas été premier ministre, on aurait regretté d’avoir raté un grand technocrate. Seule, l’histoire nous dira si Béavogui a eu raison de gouverner dans la discrétion. On saura si celle-ci est un défaut ou une stratégie assumée. En tout cas, de la sorte, on ne regrette pas qu’il n’ait pas été nommé premier ministre en 2007 et toutes les fois qu’il a été pressenti au palais de la Colombe. Enfin, si demain il se fait limoger, cela se passera dans l’indifférence totale, personne ne lèvera le petit doigt.

Issagha Diallo