Entre le CNRD et une grande partie des acteurs de la classe politique et de la société civile, la tension est à son comble. Les seconds reprochent au premier la gestion cavalière de la transition. En retrait ces derniers temps, Gassama, l’ancien Kalifa de la Citoyenneté et de l’Unité nationale réapparaît, avec ses vérités crues à la junte militaire au pouvoir.

Depuis qu’il a démissionné du goubernement d’Alpha Grimpeur en 2018, Gassama Diaby fait profil bas. Il ne se fait voix que ponctuellement. Juste pour le besoin de mettre le doigt dans la plaie, tel qu’il en a l’habitude.

Après l’épisode des ‘’menaces d’arrestation’’ dont il a fait l’objet en février dernier suite à une tribune critique vis-à-vis des autorités de la transition, l’ancien ministre de la Citoyenneté et de l’Unité nationale a pris la parole, ce jeudi 25 août, sur les ondes de FIM FM pour dénoncer la tournure que prend la transition. Interdiction des manifestations, dissolution du FNDC, absence de dialogue franc et sincère, CRIEF… L’ex-« Khalife » des droits de l’homme n’a pas fait dans la langue de bois.

Le médiateur de la CEDEAO séjourne en Guinée depuis le 21 août pour tenter de lancer un dialogue politique en panne et rapprocher le CNRD et les acteurs socio-politiques. Après moult tractations, Thomas Boni Yayi a réussi à rencontrer les politicards qui ne filent pas le même coton avec la junte. L’ANAD, la CORED, le FNDC-politique et le RPG arc-en-ciel avaient refusé de le rencontrer avec les autres partis politiques qui cachent à peine leur soutien au CNRD. « Quand vous voulez faire un dialogue sérieux, faites-le avec les acteurs sérieux, les acteurs représentatifs, relève l’ancien ministre. Avant d’aller au dialogue, ce n’est pas la peine de dire, ‘’il faut que nous ayons suffisamment de gens de notre côté pour aller à un dialogue et qu’on compte les voix en disant que nous on a plus de partis politiques’’. On sait très bien en Guinée quels sont les partis représentatifs. Ce n’est pas pour offenser les autres partis et leurs leaders. J’ai du respect pour eux, mais il faut qu’on soit un peu sérieux dans ce pays ».

Rester au-dessus de la mêlée

Devant les membres de la commission des assises nationales venus lui rendre les conclusions de leurs travaux, le colonel Doum-bouillant a réitéré sa ferme volonté de mener ses ‘’réformes’’ jusqu’au bout. Un discours qui ne rassure pas Kalifa Gassama Diaby: « Je constate avec beaucoup de peine et de tristesse que le premier échec de cette transition est que certains ont réussi à s’accaparer du colonel Mamadi Doumbouya, à faire de lui un acteur partisan et du CNRD un parti politique. Vous entendez dire ‘’esprit CNRD, on est pro ou on n’est pas anti’’. Personne n’est anti-CNRD et je crois que les militaires surtout du 5 septembre doivent faire attention à ne pas tomber dans ce piège qui ferait d’eux partie prenante au conflit politique et social de notre pays. Il faut qu’ils se mettent au-dessus de la mêlée ».

L’Etat, premier sujet de droit

L’invité de l’émission Mirador décoche des flèches contre la justice guinée-haine, notamment dans les affaires qui l’opposent à la Petite Cellule Dalein Diallo : « La CRIEF ne participe pas, du moins dans certains dossiers, à la confiance des citoyens en la justice. Et cette confiance est indispensable…On a l’impression qu’en Guinée la justice n’est là que pour enfermer. La prison est devenue la règle alors que c’est l’exception. L’État de droit s’impose d’abord à l’État, avant les citoyens… Le principe veut que l’État attende que la justice se prononce sur ce dossier avant d’agir. Mais ce citoyen voit sa maison récupérée pendant que la procédure est en cours. Cellou Dlein Diallo est un citoyen qui a perdu confiance en la justice ».

Manifs de rue

L’entourage du colonel Doum-bouillant en a également eu pour son grade. Gassama dénonce notamment le fait que certains qui rôdent autour du colonel prônent l’interdiction systématique des manifestations : « Ces interdictions de manifestations, ces arrestations sont inacceptables et indéfendables. Je constate que les plus virulents contre le Président Alpha Condé quand les manifestations étaient interdites s’évertuent aujourd’hui à expliquer qu’il est nécessaire d’interdire les manifestations.  Comment peut-on nous dire qu’on a plus besoin de paix aujourd’hui qu’hier avec Alpha Condé ? Pourquoi les libertés devraient-elles être mises en sourdine ? Cette volatilité des principes est étonnante ».

Pour ce qui est de la dissolution du FNDC, Gassama la trouve « juridiquement infondée, politiquement inappropriée ».

Yacine Diallo