Septembre est le mois, que dis-je, le moi de la Guinée et des Guinéens. Notre histoire a dû le choisir pour ses faits marquants. Nous pouvons-en citer quelques-uns, même si les historiens n’ont pas fini de récapituler. De l’arrestation d’Almamy Samory le 29 septembre 1898 au procès du Capitaine Dadis le 28 septembre 2022, il s’est écoulé un siècle et quart de péripéties, avec des hauts et des bas, ponctuées de plus d’un pointillé. On peut d’ores et déjà affirmer que la date de départ, le 29 septembre 1898, occupe une place de choix dans l’histoire de la Guinée. La date d’arrivée, celle du 28 septembre 2022, en fera autant.
La défaite de Samory dans le Wassolon aura servi un double objectif à la France : propagande à l’appui, elle a pu aider, d’un côté, à essuyer les larmes et le sang de ses troupes coloniales suite au débâcle de Fachoda, au Soudan, survenu au même moment que la capture de Samory par Gouraud à Guélémou. De l’autre, l’empereur du Wassoulou écarté, l’Europe colonialiste a découpé l’Afrique aux ciseaux. Des figures commises à la tâche, les Henri Gouraud, Hubert Lyautey, Louis Archinard, Louis Léon César Faidherbe, Joseph Gallieni et tant d’autres, s’étaient chargées de recoller à la hâte les morceaux de ce continent. Péniblement, voilà la Guinée qui titube dès le 29 septembre 1898, il faut le répéter. On ne sait même pas si les historiens guinéens auront le temps de noter que Gouraud avait rendu l’âme le 16 septembre 1946. Les Sénégalais, eux, se souviendront que Faidherbe s’était éteint un certain 28 septembre 1889.
La main dans la main, la colonie de la Guinée française a opposé un non catégorique à la domination coloniale le 28 septembre 1958. A l’époque, trois formations politiques se partageaient le territoire: deux partis minoritaires, le BAG de Barry Diawadou, SFIO de Barry III et le PDG de Sékou Touré. Le 28 juillet 1958, les deux premiers se sont retrouvés à Cotonou, actuelle Bénin, avec d’autres partis progressistes africains pour former le PRA, (Parti Africain de l’Indépendance). La formation majoritaire, le PDG-RDA, finit par opter pour le non, à l’issue de la conférence du Parti, à Mamou, le 14 septembre 1958, deux semaines avant le référendum gaulliste. Unie, la Guinée a voté NON le 28 septembre 1958.
Quelque 51 ans plus tard, le 28 septembre 2009, les Guinéens s’unissent pour dire encore NON, cette fois-ci à un des leurs, le capitaine Moussa Dadis Camara, soupçonné de vouloir troquer son uniforme kaki contre le bazin brodé de président de la république. Les circonstances diffèrent, les principes demeurent: oui, à la démocratie, non à la dictature ! Ce n’est nullement une question de couleur de peau: «la Guinée n’est pas une sous-préfecture de la France.». Massacres, manipulations, mensonges éhontés au stade du 28 septembre.
Dadis est chassé violemment du pouvoir, du pays, avec une bonne dose d’hypocrisie et de diplomatie. Onze ans de pouvoir d’un Sorbonnard bon teint, mais pour la justice et l’État de droit, «la porte ne s’ouvre pas». Le 5 septembre 2021, le vase déborde. Les militaires reviennent au galop. Un an après, le 28 septembre 2022, le procès est ouvert, sans Alpha Condé ni Fatou Bensouda. Dadis est enfin à la barre, dans toute sa dignité d’ancien président, dans toute sa modestie de croyant. Il faut espérer que tous les vrais complices, et ils sont nombreux, sortiront du buisson avant le 28 septembre 2023 ! Parce que septembre, c’est notre moi.
Par Diallo Souleymane