A peine ouvert, le procès sur la tragédie du 28 septembre 2009 déchaine déjà les passions. Les bisbilles entre avocats de la défense et de la partie civile ont bel et bien commencé. Estimant que les accusés sont présumés innocents jusqu’à leur culpabilité établie, les premiers ont demandé que le procès ne soit pas médiatisé. Les seconds ont demandé tout le contraire. Finalement, le président du tribunal a tranché en faveur de la médiatisation. Il est donc médiatisé. Avec les avantages et les inconvénients. S’il est le quatrième en importance depuis la disparition des tribunaux « populaires et révolutionnaires, » proportionnellement aux faits antérieurement jugés, il est de loin le plus important de l’histoire de la Guinée.
Le premier procès historique post révolution fut celui dit des gangs. Il avait mis en lumière les effets pervers d’une libéralisation qualifiée de libertinage qui a engendré une génération en perte de repères et qui voulait régler ses comptes avec toute la société. De par sa cruauté, le trio Mathias Léno, Denka Mansaré, Indien Kala avait marqué profondément les esprits. Tout comme le talent de celui qui avait jugé l’affaire. Ou encore les avocats, à la fois de la défense et de la partie civile. Il révéla aux Guinéens qu’après la révolution, la justice avait pu renaitre de ses cendres.
Le deuxième grand procès après la disparition de Sékou Touré fut celui intenté contre un certain Alpha Condé. Ici, l’accusé est un homme politique. De surcroit un opposant irréductible au régime en place. Les magistrats savent que le vrai procureur suit les débats à partir de son Palais. Du coup, et contrairement au procès dit des gangs, l’Etat est directement concerné. Ce qui laissait une marge de manœuvre très étroite au juge. Quand un procès oppose le présent et le futur président de la République, il va de soi que le juge est placé dans une position peu enviable.
Le troisième grand procès de l’histoire récente de la Guinée fut celui de l’attaque du domicile du même Alpha Condé. L’ancien accusé est l’accusateur. Les enjeux sont les mêmes que dans le cas précédent, toutes choses étant égales par ailleurs, vu que dans le procès Alpha Condé, c’était l’Etat qui était concerné, non le président Lansana Conté en personne. Mais dans celui dit de l’attaque du domicile d’Alpha Condé, c’est la personne physique du chef de l’Etat qui montait en première ligne.
Selon certaines informations, le principal accusé dans le procès en cours était pressé de passer devant le juge pour « laver son honneur ». Apparemment, il espérait bénéficier d’un traitement pendant le déroulement du procès. D’où sa surprise et son indignation suite à son incarcération. Dans tous les cas, cela ne change rien. Quand les robes noires auront accordé leur violon pour passer à l’essentiel, les débats de fond pourront enfin commencer. Et le bouillant capitaine, qui n’a pas sa langue dans la poche, pourra « laver son honneur ».
Sa prise de parole pourrait tenir toutes ses promesses. Durant son bref règne, le président du CNDD était hanté par la justice. De façon très prémonitoire, il faisait allusion à la CPI. Disant qu’on ne va pas quand même l’envoyer devant cette cour à cause de sa candidature à l’élection présidentielle. Certes, il n’est pas devant la CPI mais sur le banc des accusés. Quand Dadis prendra la parole, beaucoup risquent de trembler. Y compris « les innocents ». Et pour cause, le secret d’Etat pourrait être mis sur la place publique. Et c’est là qu’il faut s’attendre, sinon à un arrêt de la médiatisation du procès, tout au moins…une censure.
Habib Yembering Diallo