Dans son livre autobiographique saisi à la frontière guinéo-sénégalaise de Koundara, l’activiste a révélé comment les prisonniers de l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie se procurent de téléphones et communiquent avec l’extérieur. Comme quoi, l’évasion du 4 novembre n’a rien d’insolite.
Le coordinateur du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), plusieurs fois incarcéré sous Alpha Grimpeur et pendant la transition en cours, a lui-même été surpris avec un Android. C’était lors d’une fouille nocturne, ordonnée par le régisseur. En guise de sanction, Oumar Sylla alias Foniké Mengè fut isolé durant des jours. Mais la pratique est ancrée dans le quotidien des prisonniers, avec la complicité des gardes pénitentiaires. L’on se souvient il y a quelques années, « Junior », célèbre malfrat, s’était donné le luxe de s’inviter dans l’émission Grandes gueules d’Espace FM et TV depuis sa cellule.
L’évasion de Claude Pivi, El Dadis Camara, Tiégboro-bara Camara et Blaise Goumou, qui disposaient tous de téléphones en prison, n’a donc rien de surprenant. « Rien ne pourrait foutre la trouille à un détenu plus que le manque de téléphone, écrit l’activiste dans son livre paru chez Les plumes inspirées. Certains détenus font semblant dans leurs communications téléphoniques avec l’extérieur d’être en voyage. Le téléphone est très important en prison, mais en même temps une source de panique permanente pour celui qui le détient ». « Lors des fouilles périodiques, je m’en sortais toujours jusqu’au jour où le régisseur en personne, accompagné du gardien-chef, s’introduit dans les bandes de 22h dans notre cale, poursuit l’auteur. Un fait inhabituel. J’étais dans la première grande salle en train de causer avec l’un de mes codétenus. Il nous demanda de sortir nos téléphones : Ismaël Condé (actuel maire de Matam), Souleymane Condé (alors membre du FNDC) et moi. Malgré le fait qu’on a obtempéré en remettant nos téléphones, dont deux Android, le régisseur était très en colère. Le gardien-chef, accompagné d’un autre garde continua la fouille dans chaque compartiment de la cellule. Et sur instruction du régisseur, la fermeture des portes fut ordonnée ».
Rançonner les familles des prisonniers
Ceux qui perdent leurs téléphones s’empressent toujours de casquer pour se procurer un autre et corrompre les gardes pénitentiaires pour l’introduire en prison. L’outil est au centre d’un vaste réseau d’arnaque et de rançon dirigé par les chefs de cales. Ces grands bandits costauds, flanqués « d’aide de camp ou milicien et de secrétaire » règnent en maître dans les « Lazy », les « Couloirs » : les pires endroits de la prison craints de tous, où sont parqués « comme des sardines » les indigents incapables de s’offrir des meilleures conditions de détention. Ils doivent pourtant s’acquitter du « droit de la cale » directement ou en appelant leurs familles pour faire un dépôt sur le compte Orange money du chef. Euh, oui ! Les prisonniers n’ont pas qu’un numéro de téléphone, ils font des transactions monétaires depuis leur cellule.
Debout pour la patrie évoque également « les oubliés de Coronthie » : prisonniers, parfois ados, détenus depuis des dizaines d’années sans jugement. Faute d’argent, de familles, de dossiers ou par l’inertie de ces pro-crieurs payés à ne rien faire.
La solitude de la prison
A force d’arrestations pour son opposition au troisième mandat d’Alpha Grimpeur, puis à une gestion solitaire de la transition, Foniké Menguè avait élu domicile en prison. Privé de ses deux filles et son épouse. Cette dernière a multiplié les tribunes pour réclamer la libération de son mari, dénonçant la volonté du pouvoir de faire d’elle « une jeune veuve ». Malgré tout, l’activiste a gardé le moral, refusant de quémander la clémence d’Alpha Grimpeur. Comme d’autres ont eu à le faire, pour recouvrer la liberté. Le secret de son endurance : la foi. « J’acceptais mon séjour en prison comme des vacances dans un endroit quelconque ici-bas. Je savais que les vacances prendraient fin un jour et je jouirais à nouveau de ma liberté. J’étais en harmonie avec ma conscience car je savais au même titre que tout le peuple de Guinée que j’étais un innocent, sans conflit avec la loi. J’étais convaincu de la puissance divine en me disant tous les jours que tout ça finira quand Dieu aura voulu. Et chaque fois que j’y pensais, je me réjouissais et je me moquais d’Alpha Condé qui avait commencé à se prendre pour un immortel. Lui, un ancien prisonnier ».
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Diawo Labboyah