Lorsque les colonies françaises et britanniques d’Afrique deviennent indépendants dans les années 50 et 60, elles évitent soigneusement de se hasarder dans les arcanes ténébreuses de l’élaboration de constitutions sur mesure, s’inspirant des normes, us et coutumes des citoyens dont elles doivent organiser la vie. Comme on ne réinvente pas la roue, elles se tournent tout bonnement du côté des anciennes puissances et puisent à tout vent dans les leurs. On parlerait de nos jours de « copier-coller ». Personne ne daigne lorgner du côté de la Charte de Kouroukan-Fouga (Charte du Mandingue) qui, au-delà de la sublimation du courage et de la probité morale, fait l’apologie des libertés et des droits de l’Homme, y compris ceux de la femme. Même l’exemple de la belle organisation administrative et politique du Fouta Théocratique ne retient l’attention de personne.
Alors, dès que le colon a tourné la casaque, cette construction de bric-à-brac s’est écroulée. Les crises constitutionnelles sont nées partout. Les partis politiques constitués sous la colonisation, dans un environnement relativement démocratique se muent en partis uniques, voire en partis Etats, vidant le concept de démocratie de sa substance. La constitution n’est pas la référence normative. Son évanescence et l’exercice monarchique de la fonction de Président de la République entraînent les coups d’Etat militaires à partir du milieu des années 60. Les années 80 marquent un semblant de restauration du multipartisme qui requiert la mise au goût du jour l’approbation populaire d’une constitution pour cadrer la saine compétition politique et en garantir l’inclusivité ainsi que la qualité des résultats.
La procédure d’élaboration de la Constitution de la République de Guinée n’a pas échappé à ces pérégrinations constitutionnelles. Dès lors, on comprend le souci du législateur d’associer une masse critique de citoyens à l’entreprise pour apprécier les innovations, les enrichir, les amplifier, le cas échéant pour faire de cette loi fondamentale un outil de promotion d’un régime fort, juste et résilient.
La première innovation vise à préserver et à renforcer l’équiliber entre les trois pouvoirs institutionnels : exécutif, législatif et judiciaire. Cet équilibre toujours recherché, en théorie, est d’application laborieuse, notamment dans maints jeunes Etats, en Afrique. Le Président s’arroge généralement l’essentiel des pouvoirs et n’en laisse que la portion congrue aux deux autres ; l’indépendance de la justice, on en a cure. Le bicaméralisme parlementaire parviendra-t-il à renforcer la résilience du pouvoir législatif ? Par ailleurs, s’agissant du mode d’élection des députés, la liste nationale héritée de l’époque des partis uniques est-elle encore de nos jours pertinente ? Ne permet-elle pas d’élire des députés qui ne sont connus que par une infime partie de leurs électeurs ? On pourrait bien y substituer un scrutin intégral à la proportionnelle en érigeant les préfectures et les communes urbaines du Grand-Conakry en autant de circonscriptions électorales. Le but visé est de rapprocher le mandant (député) du mandataire (électeur) et d’élever ainsi le niveau de redevabilité de celui-là vis-à-vis de celui-ci.
La candidature indépendante est un vieux débat qui mérite d’être soulevé. La mesure a bien l’air d’une tentative concertée d’exclusion et de verrouillage menée par les professionnels de la politique désireux de rester maîtres en la demeure. On n’en voit pas vraiment l’intérêt commun, la pertinence. Qui pourrait souffrir de la levée de cette mesure inique ? Avez-vous une boule de cristal ? Consultez-la !
Si le traditionnel arbre à palabres africain nous aide à obtenir une constitution, creuset des aspirations du peuple et reflet de nos cultures, aurons-nous à jamais la sagacité de la préserver des pulsions et des tentations des hommes ? Peut-être.
Abraham Kayoko Doré