Aucun chef d’Etat guinéen n’aura résisté à leurs finasseries. De Conté à Condé, tous ont été roulés dans la farine par les mouvements de soutien de tout acabit. Le procédé est toujours le même. Les échéances électorales ou les modifications constitutionnelles ou encore le piétinement de la charte d’une transition constituent les événements privilégiés pendant lesquels le discours flagorneur peut passer.
Les mouvements identifient des jeunes pour le besoin de la cause. Ils leur offrent un t-shirt, quelques billets de banque et, dans certains cas, un sac de riz. Le tour est joué. Quelles que soient les conditions météorologiques, ces partisans peu bénévoles à tous les régimes, bravent la nature. Sous un soleil de plomb ou une pluie torrentielle, ils rempliront leur part du contrat. La pratique a connu son apogée entre les deux tours de la présidentielle de 2010 où les mouvements de soutiens ont poussé comme des champignons. Si bien qu’à la place des concepteurs de projets générateurs de revenus, la Guinée a désormais ses spécialistes en montage de mouvements de soutiens.
A l’occasion du retour du Général Doum-bouillant de Kigali, où il a pris part à l’investiture de son mentor, réélu avec un score à la Soviétique, nos docteurs en finasserie et roublardise ont remis en marche la machine bien huilée. L’occasion était belle pour jauger la générosité du nouveau prince. Afin de savoir si l’expérience, combien fructueuse et juteuse avec El Dadis et le Alpha Grimpeur, est renouvelable.
Ainsi, des jeunes de l’Axe de la fourberie, en opposition avec ceux de l’Axe de la démocratie, dont le principal souci se limite à une tasse de café, un plat d’attiéké ou de haricot, ont réédité une expérience routinière qu’ils connaissent comme la paume de leur main. Il s’agit de sortir pour acclamer le chef pour faire croire qu’il est le dirigeant le plus populaire de la terre. Ils l’ont fait avec tous les régimes qui se sont succédé dans ce pays. Pour le système qui s’adapte à tous les régimes, quand la politique entre par la porte la morale fout le camp par la fenêtre. Et pour les fricoteurs, il faut prouver à leur bienfaiteur sa popularité et l’adhésion de ses concitoyens à son programme.
Preuve, pour eux, qu’il ne doit pas abandonner la Guinée entre les mains de celui qu’on qualifiait sous le règne de Fory Coco d’aventurier. Allez savoir qui c’était. Et quand ce dernier accéda au pouvoir, le discours changea. Cette fois lui-même donnait sa main à couper, il n’abandonnera pas le pays entre les mains des bandits. Autant le sarcasme de l’autre Moussa du CNDD « Dadis ou la mort » fut un repère pour la tragédie du 28 septembre 2009, autant la fanfaronnade selon laquelle le pays ne sera pas abandonné aux bandits annonçait clairement le troisième mandat. Quand le nouveau timonier aura fait de la charte de la transition en cours ce que son prédécesseur avait fait de la constitution de 2010 et accepté de facto de se présenter aux futures sélections, on dira qu’il ne doit pas laisser le pays avec les anciens dirigeants qui ont montré leurs limites.
Echapper au piège d’un système qui eut raison de tous les chefs qui se sont succédé dans ce pays ces 4 dernières années, voilà le vrai challenge de Doum-bouillant. Le système, tout aussi nuisible que préjudiciable, est parvenu à persuader les anciens dirigeants qu’une constitution n’est ni la Bible encore moins le Coran. A plus forte raison la charte d’une transition. Alors que le CNDD, comme le CNRD, avait usé et abusé des livres saints. Tous ont juré sur le livre de leur croyance fidélité et loyauté au peuple. Pour le premier on sait comme cela a fini. Pour le second, un adage populaire nous recommande de s’abstenir de héler qui vient vers vous.
Entre soutiens et soutenus, chacun a son agenda et son objectif. Si le CNDD n’avait ni repère ni référence, en revanche le CNRD, lui, a suffisamment des leçons à tirer pour éviter de sombrer dans les errements du passé. A commencer par les relations qu’il va nouer et entretenir avec les mouvements de soutien qui ont ourdi un complot contre tous les anciens chefs de ce pays. A moins que ces mouvements ne nous apportent une nouvelle définition du mot Soutien, c’est pendant les moments difficiles qu’un homme a besoin de soutien. Posons-nous cette question, lorsqu’El Dadis a pris une balle dans la tête le 3 décembre 2009, le fameux DDR avait-t-il manifesté pour soutenir le blessé ? Si la réponse à cette interrogation est oui, Doum-bouillant doit faire confiance à ces mouvements.
Il en est de même de tous ces mouvements qui ne juraient que par le maintien au pouvoir du pro-fossoyer. Entre autres le mouvement « Djokken Alpha » ou encore « Waalu a gha waliragnon » (Suivons Alpha ou Laissez-le finir ses travaux). Si le premier l’a suivi en Turquie ou le second avait fait face le 5 septembre 2021 aux Forces spéciales afin de laisser le vieux achever ses travaux, c’est plutôt encourageant pour les nouveaux dirigeants d’obtenir leur soutien. A contrario, si la prise du pouvoir par la force est passée comme une lettre à la poste au nez et à la barbe de tous les mouvements de soutien, le nouveau maître de la Guinée ne doit pas compter sur ces mouvements dont l’unique objectif est de se remplir les poches.
Habib Yembering Diallo