L’examen et l’adoption du volet recette de la Loi de finance rectificative LFR-2024 était l’ordre du jour de la plénière du 5 août au CNT, Conseil national de la Transition. Les recettes de l’Etat pour l’année 2024 sont désormais estimées à 30 741 milliards GNF, soit une augmentation de 2,67%. Le volet recette de la LFR a été adopté à l’unanimité par 71 conseillers nationaux présents à l’hémicycle.

En raison des modifications intervenues lors de l’exécution de la Loi de finances initiale 2024, plusieurs axes de l’équilibre budgétaire et financier ont été ajustés. Parmi eux, on trouve la révision à la baisse de l’objectif de croissance économique, qui chute de 5,4% à 4,2%, et l’augmentation des recettes intérieures de 544 milliards de GNF. La faible mobilisation des obligations du Trésor et des emprunts obligataires a également été constatée. La création d’un fonds de garanties de 48 millions de dollars, dont 20 millions pour les importations de produits pétroliers par la SONAP et 28 millions pour le contrat de cession d’énergie entre la SENELEC, Société nationale d’électricité du Sénégal et l’EDG, Électricité de Guinée. De plus, un appui budgétaire de 121 millions de dollars (soit 1 035 milliards GNF) a été accordé par les partenaires financiers pour atténuer l’impact de l’incendie du dépôt d’hydrocarbures de Kaloum.

Ainsi, les nouvelles projections budgétaires reposent sur une baisse du taux de croissance du PIB à 4,2 %, la hausse de l’inflation à 10,3 %, l’augmentation de la pression fiscale à 11,79 %, et une baisse du taux de change à 8 525 GNF pour 1 dollar américain. Malgré ces ajustements, les recettes révisées sont estimées à 30 741 milliards de GNF, contre une prévision initiale de 29 942 milliards de GNF, soit une augmentation de 799 milliards de GNF.

Suite à la présentation du rapport de 15 pages de la Commission Plan, affaires financières et contrôle budgétaire saisi au fond, les sept autres Commissions du CNT ont unanimement adhéré à l’adoption du Projet de la LFR-2024, dans son volet recettes, malgré ses dysmorphies.

Défis et épreuve

Le président du CNT, Dansa Kourouma, a fustigé le faible niveau de mobilisation des recettes de l’État et a déploré que les recommandations du CNT à la Loi de finances initiale de décembre 2023 n’aient pas été prises en compte par le gouvernement. Le rapporteur de la Commission du Plan, Fabara Koné a révélé que plusieurs questions ont été soulevées lors de l’examen du Projet, notamment sur les déclarations sans paiement des impôts par les sociétés de téléphonie…, la création d’emplois par le projet Simandou et le projet Trans-guinéen, ainsi que la non-atteinte des objectifs de mobilisation des recettes au premier trimestre.

Les Conseillers se sont aussi interrogés sur la baisse des recettes minières et de la taxe spécifique sur les produits pétroliers vu l’augmentation des importations ; sur les taxes des jeux de hasard ; l’impact du démarrage du projet Simandou sur les recettes par régie ; la durée de constitution des garanties pour la SONAP et pour le contrat SENELEC-EDg, mais aussi sur le financement du déficit budgétaire, la liste n’est pas exhaustive.

Corruption ou mauvaise gestion ?

Au CNT, des préoccupations ont été exprimées quant à la gestion et à la transparence des recettes de l’État. Fabara Koné a révélé que l’argent perçu suite aux infractions policières liées au mauvais stationnement des véhicules n’est pas versé au Trésor public. Que ni le Trésor ni le ministère de la Sécurité, ni le gouvernorat n’ont connaissance de la destination de ces fonds. La Commission de contrôle budgétaire a recommandé une séance en inter-commission avec les départements concernés, pour aborder la problématique avant la Loi de finance initiale de 2025.

Aussi, la restructuration d’Electricité de Guinée (EDG) a été demandée en raison de son impact budgétaire significatif. Selon le CNT, EDG consomme plus de la moitié des recettes minières, avec des créances fiscales non honorées s’élevant à 1 279 milliards de francs guinéen. La Commission a souligné que presque toutes les recettes minières servent à couvrir les subventions allouées à EDG, ce qui empêche le financement d’autres secteurs essentiels. « Il en ressort donc que l’impact budgétaire de cette société est évalué à date à 4 199 milliards de francs guinéens. »

L’entêtement de l’ARPT

Le CNT dit avoir constaté avec regret la non-rétrocession des redevances collectées par l’ARPT, Autorité de régulation des Postes et télécommunications au Trésor public, avec seulement 30 milliards de GNF payés sur une prévision de 381 milliards de GNF. « Cette année, sur une prévision de 381 milliards, l’ARPT a émis le souhait de ne payer que 110 milliards. » Sur ce montant proposé par l’ARPT, « seulement 30 milliards ont été payés, soit un taux de 27%. » Le CNT précise que la question de rétrocession des ressources collectées par l’ARPT revient à chaque session budgétaire et que ses recommandations à cet effet sont restées vaines.

Pour améliorer la mobilisation et la sécurisation des recettes fiscales et douanières, le CNT invite le gouvernement à accélérer la mise en œuvre de la facturation électronique et la dématérialisation des paiements douaniers. Les ministres présents à la plénière du 5 août se sont engagés à respecter les recommandations des Conseillers nationaux et à revitaliser les secteurs pourvoyeurs de revenus, pour maximiser les recettes de l’État.

Abdoulaye Bah