Lundi 12 août, le Conseil national de Transition, CNT, s’est retrouvé en plénière. L’examen et l’adoption du volet recettes de la Loi de finance rectificative, LFR-2024. Les dépenses de l’État ont été réévaluées à 38 649 milliards de francs guinéens, contre de 37 682 milliards dans la LFI adoptée en décembre 2023.

Avec une hausse nette de 967 milliards (2,57%) comparativement à la loi de finance initiale de décembre 2023, la loi de finance rectificative a été adoptée à la majorité. Prévue à 14h, c’est à 20h 15mn que Dansa Kourouma, président de l’organe parlementaire de la Transition et ses 64/81 conseillers sont entrés dans l’hémicycle rectangulaire. Le rapport d’examen de 13 pages, fourni par la Commission du Plan, des affaires financières et du contrôle budgétaire, a été présenté par Fabara Koné. Il a révélé plusieurs lacunes dans la gestion des budgets alloués aux différents ministères du gouvernement Bah Oury.

Lors de l’examen des dépenses, les conseillers nationaux ont soulevé leurs préoccupations habituelles concernant l’exécution des budgets et les prévisions. Il s’agit notamment du non-paiement des Budgets d’affectation spéciales (BAS) au premier trimestre, du niveau de règlement de la dette intérieure auditée, des dépenses de biens et services pour les services déconcentrés, du non-paiement des bourses pour les étudiants à l’étranger, du faible taux d’exécution de certaines lignes budgétaires. C’est pourquoi le CNT a appelé à des réformes et à une gestion  transparente et efficace des ressources de l’État.

Critiques et recommandations

À l’issue de l’examen du Projet de loi, le CNT a formulé 25 recommandations, exprimant son indignation face à la non-rétrocession des ressources destinées à l’ANAFIC (Agence nationale de financement des Collectivités locales) pour le financement des infrastructures locales. Selon le rapport, sur 303 milliards de francs guinéens encaissés par le Trésor public au titre du Fonds de développement des Communes de Conakry (FODECCON), aucun franc n’a été reversé à l’ANAFIC. Quant au Fonds national de développement local (FNDL), sur 304 milliards de francs guinéens encaissés, seuls 92 milliards ont été reversés. Le CNT souligne que le faible taux de rétrocession de 92 milliards sur 722 milliards collectés, soit un taux de 7%, interpelle le parlement sur l’engagement de l’État envers le développement local. Il soutient qu’un transfert de compétences aux collectivités locales n’aura aucun sens sans la rétrocession effective des ressources mobilisées. Le président du CNT a dénoncé cette situation à plusieurs reprises, mais ses appels sont restés sans suite.

Quid des étudiants à l’étranger ?

Le rapport d’exécution de la LFI 2024 a également mis en lumière le non-paiement des bourses destinées aux étudiants guinéens à l’étranger depuis environ 11 mois. Aucun boursier n’a reçu de paiement. Le CNT juge incompréhensible la situation. D’autant que les bourses des étudiants à l’étranger sont rattachées au budget de la Présidence. « Le coût total des bourses ne s’élève qu’à 22 milliards par an, soit 1,8 milliard par mois, tandis que 86 milliards ont été dépensés par le gouvernement en frais de mission, rien que pour le premier semestre de 2024 », indique le rapport de la Commission du Plan.

Budget des infrastructures

L’examen du budget alloué au ministère des Infrastructures et des Travaux Publics montre un très faible taux d’exécution. Sur 1 770 milliards alloués pour les investissements, aucun paiement n’a été effectué de janvier à août 2024, pour les travaux routiers. L’AGEROUTE est également à 0% de décaissement sur les 224 milliards prévus, tandis que la dégradation des voies urbaines avance, à l’image du tronçon Sonfonia T7 à Kagbélen. Ce qui complique davantage le déplacement dans le Grand-Conakry. Or, Fabara Koné dit que 80% des régulations du ministère concernent les voiries urbaines, au détriment des autres directions du département des Infrastructures et des Travaux publics.

91 milliards de loyer

Le CNT révèle que les charges de location des bâtiments abritant certains services publics de l’Etat engloutissent d’importantes ressources financières. Pour 2024, les frais de loyer qui étaient prévus dans la loi de LFI à 84 milliards sont passés à 91 milliards dans la LFR 2024. Malgré cela, certains locaux comme ceux du ministère de la Jeunesse et des Sports, ont été cadenassés en raison de non-paiement de frais de loyer. Pour stopper cette hémorragie financière, le CNT recommande la renégociation des contrats de location et la mise en valeur du site directionnel de Koloma, pour la construction de bâtiments administratifs.

Afin de pallier la lenteur administrative, le CNT a recommandé la digitalisation des processus d’interaction entre les services et l’accélération de l’archivage numérique des documents. En outre, il souligne l’importance de renforcer la Cour des comptes pour le contrôle postérieur des comptes publics. Pour cela, le CNT suggère d’inclure dans le Projet de loi de finances initiale 2025, une allocation budgétaire suffisante pour recruter 10 auditeurs, 9 conseillers référendaires et du personnel d’appui.

Abdoulaye Bah