Interpellés à l’occasion d’une marche pacifique le 12 août à Tougué, cinq bouffe-la-craie ont été condamnés le 14 août par la justice de paix du coin.

Sous CNR-Dérive, manifester est un crime de lèse-majesté. Quiconque tente d’exprimer son mécontentement dans la rue est synonyme d’emprisonnement. Alors que les activistes de la Dynamique des organisations de la société civile guinéenne écopaient d’un an de gnouf pour avoir appelé à manifester à Cona-cris, des gens-saignants contractuels, qui ont osé manifester contre les résul-tares du concours d’accès à la Ponction publique, eux, sont condamnés à trois mois d’emprisonnement avec sursis, pour « participation délictueuse » à un attroupement. La juge de paix de Tougué estime qu’Amadou Mouctar Baldé, Younoussa Barry, Amadou Barry, Abdourahmane Diogo Baldé et Djibril Traoré, en prenant part à la manif du 12 août au centre-ville de Tougué, ont participé à un mouvement illégal et ont troublé l’ordre public.

Les cinq prévenus reconnaissent sans détour avoir manifesté, mais rejettent catégoriquement l’accusation de « participation délictueuse » à un attroupement. Ils estiment que leur mouvement n’est nullement illégal et qu’il ne constitue en rien un trouble à l’ordre public. Ils justifient leur manif par le fait que la Direction préfectorale de l’éducation aurait volontairement omis de remonter les dossiers de leurs candidatures au mystère de l’Enseignement pré-universitaire et de l’Alphabétisation. Mais le juge est passé outre pour les condamner, rappelant que les organisateurs de la manif n’avaient pas adressé un courrier d’information aux autorités administratives et que les manifestations sont interdites en Guinée jusqu’à nouvel ordre.

Un cadre (en bois) de la DPE de Tougué, dans sa déposition, n’a pas nié les accusations des grognards. Il reconnaît avoir transmis par erreur 73 dossiers seulement sur près de 300. Il accuse la connexion internet de lui avoir joué un vilain tour. Ce que bien des bouffe-la-craie refusent de croire. Ils soupçonnent les responsables de la DPE de Tougué de les avoir écartés volontairement au profit des leurs.

A l’issue du procès, les cinq prévenus qui n’ont écopé que d’une peine assortie d’un sursis, ont regagné tranquillement leurs familles après deux nuits passées à la gendarmerie. Malgré cette condamnation, les bouffe-la-craie ne comptent pas reculer. Ils promettent de revenir à la charge dans les prochains jours.   

Au lieu de régler le problème des contractuels, le concours d’accès à la Ponction publique devient lui-même un problème. Selon un des protestataires, les résul-tares du concours risquent d’impacter négativement le système éducatif d’une zone déjà mal en point : « À Tougué, les écoles sont pratiquement tenues par les contractuels. Si on nous dit que tout le monde a échoué, finalement qui va y enseigner ? Les enseignants vont bientôt abandonner la craie pour trouver de quoi vivre. »

Mécontents des résul-tares du concours d’accès à la Ponction publique au compte du mystère de l’Enseignement pré-universitaire, les gens-saignants contractuels recalés sont descendus dans la rue. Leur manif a conduit à l’arrestation des 5 condamnés. Eux qui comptaient sur ce concours pour oublier leurs peines, vont devoir cravacher dur encore.

Yacine Diallo