Depuis des décennies, des éleveurs viennent de la préfecture voisine de Beyla faire paître leurs cheptels, notamment les bovins, dans les Communes rurales de Lola où l’herbe est plus abondante et verdoyante. La région est un territoire de transhumance qui est malheureusement densément peuplé d’agriculteurs. Le mouvement migratoire des éleveurs et de leurs troupeaux s’est accéléré ces dernières années sous l’effet de la sécheresse répétitive au Sahel alors que l’exploitation abusive des essences forestières et le dérèglement climatique appauvrissent la végétation et des aires de pâturages. Aussi l’augmentation de la population autochtone, le long des décennies, entraîne une forte pression anthropique sur les ressources naturelles (forêt, sol, pâturages, eaux, etc.). Si hier, il y avait moins de monde face à de vastes étendues de terre et d’eau, ce n’est plus le cas de nos jours.
Les conditions d’une coexistence pacifique entre agriculteurs et éleveurs se sont amenuisées et rétrécies comme peau de chagrin. Les migrants actuels sont en quête de pâturages dans les communes rurales de Guéasso, Gama-Béréma, Toungarata et N’Zo. Sous la cendre couvent les conflits qui éclatent par moments et par endroits, en prenant une coloration communautariste, teintée de xénophobie, les agriculteurs sont exclusivement autochtones et les éleveurs allogènes. Les agriculteurs abattent les animaux qui dévastent leurs champs de riz, de manioc et d’igname ainsi que les plantations de banane, de maïs.
Les conséquences de ces conflits entre agriculteurs et éleveurs sont à la fois économiques et sociales. La dévastation des cultures constitue pour les paysans une perte de revenus considérable qui contrarie autant leur mieux-être, leur prospérité, leur résilience. Un abattage du cheptel est un drame économique et sociologique pour un éleveur qui perd une source de revenus et des animaux auxquels il est très attaché.
Sur le plan sociopolitique, ces conflits génèrent au sein de la communauté autochtone des querelles de clochers qui perturbent la cohésion sociale et suscitent la méfiance. Des membres de cette communauté accusent des responsables de la collectivité locale, de l’administration déconcentrée, des sages et des leaders d’opinion locaux de duplicité avec les éleveurs. L’insubordination qui résulte de cette rupture de confiance fragilise l’administration des communes rurales et la bonne gouvernance.
Plusieurs missions gouvernementales se sont déjà rendues sur le terrain sans parvenir à résoudre durablement, voire définitivement le conflit. Le conflit est de nature économique et sociologique. Il convient d’en identifier les protagonistes réels et leurs intérêts objectifs et subjectifs, de proposer les solutions idoines et la stratégie de mise en œuvre efficace de ces solutions et tout cela assorti d’une feuille de route.
Pour être mené avec l’efficacité requise, ce travail doit être confié à une équipe de consultants nationaux et internationaux constituée de sociologues, économistes, agronomes, médecins vétérinaires pour adresser la problématique et soumettre aux autorités une réponse globale pertinente sous forme de recommandations.
Il est temps de prendre à bras-le-corps ce problème. Les missions interministérielles n’ont pas le temps de faire un travail exhaustif.
Abraham Kayoko Doré