En Afrique, on est encore bien loin de l’ère démocratique. Cependant, on est en train d’y aller même si c’est au rythme du paresseux, le petit mammifère d’Amérique Centrale remarquable par sa nonchalance exaspérante. A l’instar des élections présidentielles qui se sont déroulées au Botswana, à Maurice et au Sénégal, celle du Ghana, la semaine dernière, a été exemplaire. Elle a rappelé aux Africains que les deux mandats exercés par Jerry Rawlings à la tête de l’État ghanéen n’ont pas été vains, quand bien même l’un a été sanglant.

Rawlings a creusé, durant les deux décennies qu’il est resté aux affaires, le sillon de la bonne gouvernance et d’une vie démocratique de qualité dont ses compatriotes sont fiers et en font la matrice de leurs pratiques politiques.

Lors de l’élection de la semaine dernière, les propos peu amènes et les échauffourées inhérentes à toutes campagnes électorales présidentielles, n’ont pas rendu délétère l’atmosphère au point de susciter des violences préjudiciables durablement à la cohésion sociale et à l’unité nationale, comme c’est souvent le cas ailleurs.

Un passage de témoin convivial

Mieux, avant même la fin du dépouillement des votes, le Vice-Président et candidat sortant du parti au pouvoir, Mahamudu Bawumia, a téléphoné à John John Dramani Mahama pour le féliciter. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce passage de témoin a lieu sans heurts, de manière tout à fait conviviale, civilisée.

Les populations des États anglophones, à l’exception du Kenya, sont coutumières des élections paisibles. Ce qui n’est pas le cas, en général de l’Afrique francophone et lusophone. De ce côté, on n’est plutôt habitué aux élections abracadabrantes, pipées de bout en bout. Les fraudes, les tentatives d’exclusion manifestes des candidats indésirables sont entreprises. De grave conflits post-électoraux éclatent fréquemment et se transforment en guerres civiles dévastatrices. L’organisation inique des élections est clivante et préjudiciable à l’unité nationale et conséquemment au développement socio-économique des populations.

En Côte d’Ivoire, une élection mal organisée dans une atmosphère complétement délétère s’est terminée par un conflit post-électoral, aggravant une guerre qui durait déjà une dizaine d’années. Celle-ci a failli compromettre la robuste allure imprimée par Felix Houphouët Boigny au développement socio-économique du pays.

Cinq putschs en cinq ans

Ces cinq dernières années, cinq Etats francophones ont eu recours au putsch militaire pour assurer l’alternance à la suite d’élection condamnées et considérées comme de simples mascarades ou carrément de putschs constitutionnels. En lorgnant l’espace lusophone, on note que la Guinée Bissau, le Mozambique et à un moindre degré l’Angola, sont loin d’être exemplaires en matière d’organisation des élections.

En Guinée Bissau, déni d’élections et guerre civile alternent, avec leur lourd coût humain, intégrant l’assassinat d’importants responsables politiques et d’hommes d’Etat. Actuellement même, un conflit post-électoral désastreux meurtrit le Mozambique. Le FRELIMO (Front de libération du Mozambique), après avoir conduit ce pays à l’indépendance, s’en est littéralement accaparé, excluant de la gestion du pays, par toutes sortes de subterfuges, les autres composantes politiques.

Le géant nigérian échaudé par les coups d’Etat sanglants des premières années de l’indépendance et la guerre fratricide du Biafra, a mis en place une sage organisation de la vie politique qui favorise des élections consensuelles.

Au Libéria, après la guerre des années 1980-1990, l’alternance paisible est une pratique partagée par tous. Les États francophones, notamment d’Afrique de l’ouest, devraient en finir avec le 3è mandat, avant que les politiciens ne s’autorisent de condamner les putschs des jeunes officiers et leur exigent le retour dans les casernes.

Abraham K. Doré