A l’assemblée générale hebdomadaire du Mouvement Démocratique Libéral (MoDel), samedi 30 novembre, un seul point était à l’ordre du jour : « Simandou-2040 ». Le président du MoDel n’a pas mâché ses mots. Il qualifie Simandou 2040 de « vide de sens, slogan populiste et instrument de propagande politique », visant à créer l’illusion d’une transition cherchant à s’éterniser au pouvoir.
Aliou Bah a d’abord rappelé l’importance stratégique du fer sur le marché mondial, tout en exprimant de profondes inquiétudes concernant l’impact potentiel du projet. Selon lui, si les bases contractuelles ne sont pas respectées, Simandou-2040 risque de devenir une source de tensions sociales. « Des revendications pourraient naître, générant une instabilité qui ne profiterait ni aux investisseurs ni au peuple guinéen ». Le président du MoDeL a critiqué la volonté de la junte d’utiliser une ressource nationale à des fins de propagande, alors qu’elle n’aurait le « mandat pour transformer nos richesses en outils de communication politique, ni pour vendre des illusions au peuple. »
Opacité et violation !
Le MoDel déplore le manque de transparence autour de la renégociation de la convention de Simandou, initiée en 2021. « Cacher ces informations constitue une violation des règles de bonne gouvernance, surtout dans le secteur minier », a dénoncé Aliou Bah. Il met en avant le potentiel exceptionnel du site de Simandou, connu pour son « taux élevé de pureté du fer, permettant une transformation avec un coût énergétique réduit, voire à base d’énergie solaire. Au lieu d’exploiter ce potentiel au profit de la Guinée, nous assistons à une fuite en avant où d’autres pays récoltent les fruits en vendant des produits finis. »
Et de prendre l’exemple de la bauxite, pour appuyer ses propos. Depuis les années 2000, la Guinée a vu ses exportations de bauxite passer de 15 à 150 millions de tonnes par an, sans pour autant réduire la pauvreté, particulièrement dans les zones minières comme Kamsar et Boké. « La hausse de la production aurait dû s’accompagner d’une amélioration des conditions de vie locales. Or, c’est tout l’inverse. » Si le projet Simandou-2040 suit la même trajectoire, il réduirait l’ambition nationale à un simple slogan politique, estime Aliou Bah.

Perte d’avantages stratégiques
Le président du MoDeL a souligné l’abandon des infrastructures prévues dans la convention initiale. Selon lui, le port en eau profonde de Moribaya (Forécariah) aurait pu devenir un pôle économique majeur, il a été remplacé par une simple plateforme de chargement et de déchargement, compromettant les activités de pêche artisanale et aggravant la pauvreté locale.
En outre, le chemin de fer, censé être multiservices (transport de marchandises et de passagers), ne répondra pas aux attentes, déclare Aliou Bah ajoutant que : « Son tracé est éloigné des villes, privant les populations locales de son utilité. Il s’agit d’un chemin de fer de plus de 700 km, jusqu’au port de Moribaya. C’est presque tout le pays qui sera traversé, alors que le chemin de fer à une tracée qui est en dehors de la plupart des villes, entre 70 à 80 km. »
Aliou Bah a aussi critiqué le « montage financier du projet », où la Guinée détient une participation de 15 % sur un emprunt contracté par d’autres. « Ce modèle d’endettement fictif est une source d’interrogation et d’inquiétude. Les 15 premières années serviront uniquement à amortir les investissements, retardant ainsi les éventuels bénéfices pour le pays. Cela veut dire que nous n’aurons de bénéfices que lorsque les investissements seront d’abord amortis, après quoi on parlera de ce qu’on va considérer comme étant les revenus de Simandou…»
Des engagements sociaux bafoués
Après deux heures de débat, le président du Mouvement démocratique libéral a dénoncé l’abandon des plans de développement communautaire initialement prévus dans la convention de base de Simandou. « Les populations locales ne bénéficieront plus que de ce que les entreprises voudront bien leur accorder, sans obligation contractuelle ». Une violation des droits des communautés impactées, notamment en matière de compensation, estime Aliou Bah. Pour lui, Simandou-2040 est une opportunité gâchée. « Nous avons perdu les infrastructures stratégiques et les garanties sociales en échange de simples avantages fiscaux. Ce projet, présenté comme le “projet du siècle”, ne profite qu’à une minorité, au détriment des populations locales et de l’avenir économique du pays. »
Le MoDel appelle les autorités de la Transition à une refonte totale du projet, pour qu’il réponde aux besoins réels de la Guinée et de ses citoyens.
Abdoulaye Bah