Je n’en peux plus ! Je suis révolté contre la Révolution du PDG pour n’avoir pas à comparer la Guinée qu’à elle-même. Après quelque 60 ans de résistance, j’ai dû capituler ce 8 février 2025, la magie de la télévision aidant. Ce jour fatidique, j’ai vu d’une part, à Conakry, Mohamed Touré, le fils de son père, rejoindre tout heureux les siens à la Case de Bellevue. D’autre part, à Abidjan, Tidiane Thiam, le petit-fils d’Houphouët Boigny, haranguer les foules à Yopougon, ancien fief de Laurent Gbagbo, l’opposant le plus virulent du grand-père de M. Thiam. Coïncidence vicieuse, disons, pour coller la paix à l’histoire.

Esclavagiste aux yeux de la justice américaine, Mohamed perd son statut de résident-permanent aux États-Unis. Il n’a de choix que de rentrer au pays. En fauteuil roulant. Candidat à la présidentielle, Thiam renonce à la nationalité française pour se conformer à la loi ivoirienne. Il a déjà commencé à battre campagne à Yopougon, cet interminable quartier créé de toutes pièces par son grand-père qui n’y a compté que de redoutables adversaires politiques. Il n’est pas impossible que Mohamed Touré et Tidiane Thiam se connaissent. En tout cas, l’Histoire aura non seulement façonné les relations entre le père de l’un et le grand-père de l’autre, et aussi entre la Côte d’Ivoire d’Houphouët et la Guinée de Sékou. Omettre de comparer les deux pays peut s’avérer un délit aux yeux des générations précédentes.

Tout oppose les deux leaders charismatiques. Pour commencer par l’Histoire. Depuis que François Mitterrand les a dévoués du vrai nationalisme africain au début des années 50, ils n’ont été d’accord que pour se taire en vue de mieux manipuler; Sékou, à la tête du camp révolutionnaire, Houphouët à celle des réactionnaires. Si le Hakké, la justice expiatoire ici-bas, qu’appréhenderait Saïfoulaye Diallo dans ses vieux jours, revêt un sens, il est difficile de comprendre pourquoi Mohamed Touré et Tidiane Thiam font retour au pays natal au même moment dans des conditions historiques antagoniques. À se dire que le passé de l’un est l’avenir de l’autre, pour parler comme Tibou Kamara.  

L’Histoire ne doit point avoir sa main là-dedans pour peu qu’elle soit juste à l’égard des deux grandes figures du nationalisme africain. Houphouët créa le RDA, le PDCI-RDA, le PDG et le PDG-RDA. Sékou en aura été le principal lieutenant en Guinée. Le 25 août 1958 à Conakry, ils prennent à leur corps défendant, des chemins divergents. Ils cachent au mieux, chacun son jeu, pour mettre en exergue les nobles idéaux de bonheur, dignité, et développement de leurs peuples respectifs. Mais tous les chemins n’ont pas mené à Rome.

Sékou, le panafricaniste, meurt aux États-Unis le 26 mars 1984; Houphouët, le néo colonialiste, le 7 décembre 1993 chez lui à Yamoussoukro. Le paradoxe ne s’arrête pas là. Leur héritage ressemble à un réceptacle de contradictions. Les historiens n’ont pas encore osé aborder les crimes de sang de ces deux grandes figures de l’histoire ouest-africaine. Même le camp Boiro fait objet de controverses en Guinée. Peu d’Ivoiriens associent les affres de Biafra aux intrigues du Vieux Sage de Yamoussoukro. Il n’est même pas utile d’aller plus loin, commençons à réfléchir !

Diallo Souleymane