En Guinée, on ne fait pas de révolution, on fait des cercles. Depuis 60 ans, on tourne, on vire, on revient au point de départ avec la grâce d’un derviche tourneur. On chen fout !

Les militaires ? Ils sont là, toujours là, en treillis bien repassés, promettant la démocratie avec la crosse du fusil. Le peuple ? Il applaudit, il danse, il espère, puis il déchante, avant de recommencer. Hé Kéla !

Les routes ? Des labyrinthes sans fin. Les écoles ? Des salles d’attente pour un avenir qui ne vient jamais. Les hôpitaux ? Des chapelles où l’on prie pour un miracle médical.

Mais attention, tout cela se fait avec élégance. On organise des marches de soutien, on lance des slogans, on imprime des affiches. On parle de transition, de refondation, de réconciliation. Des mots qui brillent comme des étoiles filantes, qui s’éteignent avant d’éclairer.

Et pendant ce temps, le pays tourne en rond, toujours avec élégance. À fakoudou !

Ah, La Guinée ! Ce pays où même les morts ont besoin de papiers ! Alléluia ! Voilà que le recensement devient une affaire de vie, de mort, et de transport en commun. Bientôt, plus de taxi, plus de bus, plus de moto, si t’es pas recensé. Même pour aller te faire bastonner au commissariat, il faudra un récépissé !

Et comme si ça ne suffisait pas, les morts aussi doivent être à jour ! Oui, oui, même ceux qui ont eu la décence de mourir sans faire de bruit. Désormais, on n’enterre plus sans récépissé. Wallahi ! On imagine déjà le gardien du cimetière, lunettes sur le nez, demandant à la dépouille : « Papiers, s’il vous plaît ! »

À fakoudou ! On veut une administration si présente qu’elle surveille même la poussière qu’on devient. Si ton âme n’est pas numérisée, elle ne passera pas la douane céleste. Et attention, pas de récépissé, pas de paradis. On chen fout !

On n’est plus des citoyens, on est des QR codes à bip bip et récépissé A4 plié en huit.

Mais bon… si l’État ne peut pas nourrir les vivants, qu’il contrôle au moins les morts ! À ce rythme, bientôt, même pour rêver, faudra une autorisation signée et un cachet du ministère !

Alléluia, mes amis ! Ici, même l’au-delà est administratif.

Le 1er Mai chez nous, c’est la fête du Travail, sans travail. C’est la journée internationale des fonctionnaires à gobelets, des ouvriers sans outils et des chômeurs bien coiffés. Tout le monde défile. Même ceux qui n’ont jamais travaillé, sauf à aligner des certificats de stage comme des diplômes de sorcellerie. On chen fout !

À Conakry, on sort les pancartes, les chemises repassées, les slogans pleins de fautes et les ventres pleins de riz d’apparat. Les ministres lisent des discours écrits à l’avance, les syndicalistes hurlent à l’unisson, et tout le monde promet le paradis salarial… pour le mois prochain. Mais ça fait 60 ans qu’on est dans le mois prochain. À fakoudou !

Les vrais travailleurs, eux, sont au marché, dans les taxis déglingués ou à pousser des brouettes plus vieilles que notre capitale. Ils n’ont pas de badge, pas de syndicats, mais ils transpirent la République à chaque goutte.

Et pendant qu’on célèbre le Travail avec un grand T, on oublie le boulot avec un petit b, celui qui casse le dos, mange les genoux et paye mal. Le vrai travail, ici, c’est de survivre avec dignité dans un pays qui célèbre la sueur… avec des discours climatisés.

Mais bon, on garde le sourire, parce que même sans boulot, on a toujours de quoi écrire une chanson, scander un slogan, ou faire la queue pour rien. Joyeuse fête du travail, mes amis ! Et courage à tous ceux qui bossent sans fiche de paie, sans congés payés, mais avec une foi en béton armé !

Chez nous, le voleur de mangues est lapidé, pendant que celui des milliards se balade en 4×4 climatisé, escorté par la gendarmerie. À fakoudou ! Le petit pickpocket se fait déshabiller jusqu’à ses idées, pendant que les gros détourneurs sont décorés à la fête nationale. On chen fout !

Et puis, comme on avait encore de la colère en stock, on a élargi le menu. Maintenant, ce sont les femmes qu’on bastonne. Oui, des femmes, souvent sans défense, parfois juste coupables d’exister là où des hommes frustrés ont décidé qu’elles n’avaient rien à faire.

On dit que la femme est l’avenir de l’homme. En Guinée, elle est surtout son punching-ball. À la maison, elle prend des uppercuts conjugaux. Dehors, elle esquive les harcèlements, les jugements, les jets de pierres morales. Elle tombe ? On lui dit que c’est Dieu qui l’éprouve. Hé Kéla !

Mais entre nous, ce n’est pas Dieu qui cogne. Ce sont des humains. Bien humains, mais bien bêtes. Si la femme est sacrée, alors que quelqu’un nous montre le temple, qu’on aille y brûler un cierge… ou quelques mentalités moisies. À Fakoudou !

Sambégou Diallo

Billet

Un chat m’a conté

L’argent est un vrai caméléon ! À l’école, on l’appelle frais. À l’église, dîme. Au resto, addition. Chez le député, émoluments.

Chez la go de nuit, la passe. Au tribunal, amende. Chez l’avocat, honoraires, etc.

Il change sans cesse de nom pour nous échapper.

SD