Les 27 et 28 décembre derniers, des violences intercommunautaires ont secoué et endeuillé la ville de Macenta, au sud du pays. Les deux principales communautés qui cohabitent le terroir se sont durement affrontées, armées qui de fusils de chasse, qui de machettes voire de gourdins, etc. Le bilan est lourd et se décline en onze morts, des dizaines de blessés plus ou moins graves et d’importants dégâts matériels.
Fidèles à leurs habitudes, des « pseudos anthropologues », s’improvisent en spécialistes en écologie du coin, se fourvoient dans des analyses superficielles dignes des contes de fées, tirent des conclusions ubuesques assorties de propositions de solutions cosmétiques (mamayas, séances pathétiques expiatoires de groupes de femmes s’arc-boutant aux pieds des sages, matches de foot). Çà et là, ils poussent des cris d’orfraies du genre « Tomamanians et Tomas sont deux peuples qui ont vécu en parfaite intelligence, sans heurts à Macenta. Le raisonnement vaut pour la cohabitation entre leurs voisins Kpèlès et Koniankés, à N’Zérékoré où la coexistence ethnique, apparemment harmonieuse, a pourtant souvent pris de puissants coups de canif. Les mariages inter-ethniques ne sont pas rares. Multiples sont aussi les cérémonies sociales auxquelles participent, dans une immense ferveur partagée, les hommes et les femmes des deux communautés ». On en déduit subrepticement que ces événements tragiques ne peuvent survenir que parce qu’il y a quelque part une main invisible manipulatrice, malveillante. Cette déduction hâtive procède des velléités du landerneau politique à chercher des solutions politiciennes trompeuses pour résoudre des problèmes de gouvernance délicats. Les mariages pluriculturels, les cérémonies sociales inclusives et la convivialité normative qui ponctuent la vie des femmes et des hommes qui ont en commun un espace, sont des facteurs qui concourent à l’émergence et à la pérennisation de la cohésion sociale mais qui ne devraient pas être considérés comme des signaux d’une fraternité infaillible.
Ceux qui, péremptoires, jugent les conflits à N’Zérékoré et à Macenta, ont-ils déjà vécu au sein de ces communautés ? Ont-ils réalisé des études idoines en leur sein ? Les ont-ils simplement bien observées, bien écoutées ? Rien n’est moins sûr.
La problématique des conflits interethniques en Guinée Forestière est multidimensionnelle, donc complexe. Si on est à la fois sincère et de bonne foi, on ne peut en comprendre la portée et les enjeux sans une bonne connaissance des réalités anthropologiques et sociologiques du milieu et sans une relative appropriation des dynamiques migratoires qui ont contribué à l’humanisation de l’espace où vivent Kpèlès, Koniankés, Tomas et Tomamanians. La situation est suffisamment préoccupante car elle tourmente des milliers de familles. Les gouvernants ont coutume de n’intervenir qu’en aval des conflits pour punir ceux qui sont coupables à leurs yeux. Ils doivent dorénavant changer de stratégie et opter pour une analyse exhaustive du problème en vue de l’identification des solutions pertinentes et durables.
Si le gouvernement a la volonté politique de résoudre définitivement la question des conflits à Macenta et à N’Zérékoré, il devrait recourir aux prestations de consultants nationaux et internationaux pour élaborer une étude susceptible de rendre parfaitement lisibles non seulement les causes et les enjeux des conflits mais aussi les stratégies des acteurs. Il est irresponsable d’en faire un fonds de commerce électoral. Il faut craindre l’effet boomerang.
Abraham Kayoko Doré