Invité dans l’émission Mirador sur FIM FM ce mardi 9 novembre, Dominique Weerts, expert en gouvernance démocratique, a donné son avis sur la transition en Guinée. Il déclare que la prise du pouvoir par la force ne s’est pas passée d’une manière violente. «L’Etat a préféré mettre la priorité sur la nomination du gouvernement.  En tant qu’expert je n’ai pas de problème avec tout cela. En terme technique, je pense que l’approche qui a été choisie est bonne. Et donc, on n’a maintenant en effet un gouvernement complet, ça pris un peu de temps, mais je n’ai jamais trouvé cela lent (…) Ibn Chambas revient pour continuer cette médiation entre la CEDEAO et la Guinée. Donc je pense qu’on est plutôt avec des personnalités qui connaissent bien le terrain, qui vont permettre sans doute qu’on ne perde pas trop de temps dans l’achèvement des institutions de la transition avant de passer au rendez-vous».

Délai de la transition

La CEDEAO, à la sortie du sommet d’Accra le dimanche dernier, a exigé de la junte de proposer un chronogramme détaillé des activités devant mener à des élections transparentes. Conformément à son communiqué qui a sanctionné son sommet du 16 septembre dernier, la CEDEAO reste intraitable sur son délai de 6 mois. «Je pense franchement que ce délai est un peu exagéré. Et que sans vouloir que cette transition dure éternellement ou dure longtemps, je pense quand même que mettre un délai aussi court à un nouveau pouvoir qui a envie de changer complètement l’approche politique ou l’approche de la gestion du bien public est un peu compliqué. Il y aura un nouveau sommet vers le 12 décembre, cela va permettre sans doute à M Chambass d’être un peu flexible sur ce délai de 6 mois parce que c’est le même délai qui est fixé en RDC et au Mali. Il vaut mieux organiser les élections dans de très bonnes conditions plutôt que de respecter un délai initial qui conduira à un processus insatisfait», estime-t-il.

Pour cet expert en gouvernance démocratique, 12 mois peuvent suffire pour l’organisation des élections en Guinée. «S’il s’agit maintenant d’un changement institutionnel, notre pays a tous les experts qu’il faut en l’a matière. On n’a pas besoin d’avoir 18 mois de réflexions pour une nouvelle constitution, et pour de nouvelles lois organiques qui doivent mettre en place les institutions de la République. Un travail formidable a été fait pendant le premier Conseil national de la transition entre 2010 2013. Peut être faut-il corriger certains aspects de la constitution ? Ce qui est certain, peut-être faut-il corriger certaines lois organiques, comme celles sur la Commission électorale indépendante, la Cour constitutionnelle. Je ne pense pas que ces chantiers là exigent une prolongation à 18 ou à 24 mois. S’il faut un bon résultat, il est évident pour les ministres et le gouvernement, un délai un peu plus long que les 6 mois imposés par la CEDEAO» clarifie-t-il.

Libération du président déchu

M. Weerts trouve que la demande de la CEDEAO pour la mise en liberté sans délai et sans condition du président déchu est une posture légitime. Mais, c’est à la justice de se prononcer sur tous ces anciens dignitaires du régime Alpha Condé. «Pas une justice militaire mais une vraie justice civile. Et là, par exemple, il y a un travers dans lequel la transition ne devrait pas tomber, c’est de se substituer aux institutions civiles. Et même s’il était le chef suprême des armées, M Alpha Condé était avant tout un citoyen civil. Raison pour laquelle c’est la justice civile qui va devoir se positionner pour faire ce qu’il y a à faire».

M. Weerts poursuit : «Des observateurs trouvent que la CEDEAO est plus clémente avec le Mali qui a eu un délai plus long pour l’organisation des élections alors qu’elle demande à la Guinée d’aller au pas de charge vers la présidentielle dans un délai de 6 mois. Les situations sont complètement différentes, dans le sens où la moitié du Mali n’est pas contrôlé par l’Etat. Tout le monde en parle et à peur. Cette situation avec les djihadistes du Mali fait qu’il y a un regard différent de la part de la CEDEAO».

Kadiatou Diallo