Avec la publication des résultats d’audit et la mise en place de la CRIEF, certains acteurs politiques semblent se retrouver dans le viseur des nouvelles autorités. Ce qui fait réagir au sein des états-majors des partis politiques.

Des rapports d’audit ressortis des tiroirs, une CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières) créée et meublée…, le CNRD est décidé à fouiner dans la gestion des régimes précédents, notamment ceux de Condé et de Conté. Des audits sur le démantèlement et la vente des rails du chemin de fer Conakry-Niger, de la dissolution suivie de la cession de la défunte compagnie étatique Air Guinée à Mamadou Sylla, PDG de Futurelec Holding et leader politique, à la récente affaire de détournement présumé de fonds publics (Nabayagate) notamment au ministère de l’Enseignement professionnel, les piles de dossiers s’amoncellent.

Difficile de deviner les vraies intentions de Mamadi Doumbouya qui, officiellement, tient à la refondation de l’Etat guinéen. En ces différents et gigantesques chantiers se cacherait-elle une volonté d’en finir avec l’impunité, de s’éterniser au pouvoir ou d’écarter des adversaires politiques gênants ? Quoiqu’il en soit, le sujet ne laisse pas les états-majors des partis politiques indifférents, comme l’atteste le discours de Cellou Dalein Diallo lors de l’assemblée générale de l’UFDG, le 5 Février : « Je suis très heureux du fait qu’on dise que le dossier Air Guinée a été transféré à la CRIEF. Je sais qu’on en finira une fois pour toute ».

Un Boeing 737-200, un Dash 7, un important stock de pièces de rechange, un immeuble abritant le siège de l’ancienne compagnie Air Guinée, un terrain de 1796, 94 m² donné en bail à construction, les ateliers et garage situés à l’aéroport de Gbessia Conakry, les immeubles appartenant à la compagnie et situés à l’intérieur du pays, deux moteurs d’avion laissés en gage en Israël étaient, entre autres, actifs d’Air Guinée lors de sa cession en 2002, selon les auditeurs. « La valeur gagée de ces deux moteurs serait de 550 000 USD. Ce gage serait consécutif au non-paiement de la facture de révision du Boeing 737-200, avant l’enlèvement de l’avion par le cessionnaire », précise le rapport d’audit. Deux groupes électrogènes de 75 KVA d’une valeur de 50 mille dollars (au moment de l’audit, en 2009) auraient été enlevés par le cessionnaire. « L’ensemble des actifs ci-dessus cités ont été cédés à un prix forfaitaire d’USD 5 000 000, payables de surcroit par tranches, renchérit le même document. Malgré la valeur dérisoire des actifs cédés, nos investigations sur le terrain ont révélé qu’à date, aussi avantagé qu’il était dans cette opération de cession, le cessionnaire Air 91 Guinée Express, représenté par M. Mamadou SYLLA, n’a pu payer en tout et pour tout qu’un montant de USD 1 291 406 ».

Rôle présumé de Cellou Dalein

Les auditeurs estiment que Cellou Dalein Diallo, alors ministre des Transports et des travaux publics, a joué un rôle non négligeable dans la transaction faite, faut-il le préciser, de gré à gré. Ils le classent dans la catégorie « des personnes qui ont initié et effectué les opérations de cession ». Le président de l’UFDG « a instruit M. Ibrahima CAMARA, alors directeur de l’Unité de Privatisation, de préparer le décret de dissolution de la Compagnie Air Guinée et la convention de cession des actifs à M. Mamadou SYLLA, opérateur économique ».  

« Vous savez, à chaque changement de régime, à l’approche de chaque échéance électorale, à cause du poids électoral de l’UFDG, à cause de la confiance qu’on a venant du peuple, ceux qui veulent disqualifier Cellou Dalein Diallo sortent des dossiers pour faire de l’intoxication et de la diffamation », répond l’opposant. Se tournant vers ses militants, il poursuit : « Je vous dis ceci: il n’y a rien contre moi et mes collaborateurs ! Je ne suis pas un homme d’argent, je suis un homme d’honneur. Soyez mentalement prêts, moi je suis prêt ! »

Puis, s’adressant cette fois-ci au colonel Mamadi Doumbouya, Cellou Dalein Diallo a mis en garde le président de la transition contre les erreurs de ses prédécesseurs : transmettre le pouvoir à un président mal élu et rompre le dialogue politique. « Je veux qu’il organise des élections libres et transparentes avec son équipe, qu’il rentre dans l’Histoire et devienne le père de la démocratie. (…) Il faut qu’il accepte d’ouvrir un cadre de dialogue entre le CNRD, les politiques, la société civile, le CNT pour décider ensemble de la transition. Nous sommes en période d’exception, il n’y a pas de légitimité. Il faut qu’on dialogue pour trouver un consensus, prévenir les conflits et préserver la paix », conclut-il, non sans appeler les militants, sympathisants et responsables de l’UFDG et de l’ANAD à se remobiliser et se tenir prêts « pour la victoire ».

Le RPG devrait-il (aussi) s’inquiéter ?

Au RPG arc-en-ciel également, la course pour la reconquête du pouvoir perdu il y a cinq mois s’annonce rude. L’ancien ministre des Hydrocarbures, Diakaria Koulibaly, ayant apparemment décidé de se retirer, trois prétendants émergent du lot : Amadou Damaro Camara, ancien président de l’Assemblée nationale, l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana et l’ancien ministre des Affaires étrangères Ibrahima Khalil Kaba.

Selon des informations persistantes, les nouvelles autorités auraient demandé aux deux premiers de laissé la place aux jeunes « s’ils veulent que les choses marches ». Mais apparemment, seul l’ancien ministre de la Défense Mohamed Diané aurait compris le message. Jusque-là, ce dernier donne l’impression de renoncer à la politique. Amadou Damaro Camara, le dauphin constitutionnel (au regard de la constitution dissoute) contrarié par le putsch du 5 septembre, pense que le moment est venu de récompenser son ferme engagement politique des dernières années. Alors que Ibrahima Kassory Fofana qui a poussé le sacrifice jusqu’à dissoudre son parti (Guinée pour tous, GPT) au sein du RPG, fils de la Basse côte, ne s’estime pas moins légitime pour tenter le pari de la reconquête du fauteuil présidentiel. Reste à savoir si la CRIEF ne retiendra pas des griefs contre eux.

Diawo Labboyah Barry