Le CNRD, depuis son arrivée au pouvoir, s’est lancé dans une vaste de campagne de « récupération des biens de l’Etat ». Domaine public maritime du Petit-Bateau, Cité police, Cité ministérielle, Résidences 2000 (sur la corniche Sud, au niveau du Jardin 2 Octobre), les nouvelles autorités sont tombées à bras raccourcis sur les occupants pour les sortir des lieux. Des victimes contestent non seulement la méthode de la junte militaire, mais jurent avoir acquis les domaines dans les règles de l’art. Parmi elles, les propriétaires des Résidences 2000. Le 7 mars, lors d’un point presse, leurs avocats ont dénoncé une spoliation pure et simple.
C’est le retour du bâton pour le CNRD ? La junte au pouvoir a décidé de sortir des citoyens sans ménagement de leurs domiciles, de retirer des domaines publics ou privés de l’Etat des mains d’investisseurs sans décision de justice et sous le seul sceau de son fameux slogan «la refondation de l’Etat. » Mais les intéressés ne veulent pas se laisser faire. C’est le cas de la famille Kadoura, propriétaire des Résidences 2000, à travers la Société internationale de promotion domiciliaire et de construction(SIPDC), sous le règne de feu Lansana Conté, en 1998 précisément. Ses avocats dénoncent la décision du CNRD de reverser ces bâtiments dans le portefeuille de l’Etat. Maître Sékou Koundiano explique : «C’est l’Etat guinéen qui a accepté d’octroyer ce domaine à la famille Kadoura par voie de tire foncier, suivant un décret. C’était un dépotoir, un ravin où les citoyens jetaient des ordures tous les jours… Les Kadoura ont dégagé ces ordures pour construire les bâtiments. La propriété n’a jamais été remise en cause pendant le règne de Lansana Conté ou du CNDD, c’est à la limite une spoliation». Il révèle que l’Etat, à travers le Patrimoine bâti public, harcèlerait déjà les occupants : « Cette résidence a pu abriter l’ensemble de nos partenaires économiques et diplomatiques. Aujourd’hui, ils sont sur le qui-vive, ils ne savent pas à quel saint se vouer, parce que tantôt on vous dit ‘’ne payez plus le loyer à tel, payez-le à tel autre’’. On dirait que c’est l’Etat guinéen qui a construit les immeubles. Nous informons l’opinion nationale et internationale que ces immeubles sont l’œuvre d’une personne, pas de l’Etat guinéen ».
Me Koundiano invite la junte à passer par les cours et tribunaux pour «démêler le vrai du faux dans cette affaire, en toute civilité. C’est à la justice de faire reconnaître les droits que la famille Kadoura aurait violés pendant la construction. Mais rien de tout cela. On se lève du jour au lendemain pour dire que ça appartient à l’Etat. On instaure un système de gestion par le Patrimoine bâti, on barricade les lieux où 40 millions d’euros ont été investis. Nous sommes indignés de constater que de telles situations se produisent dans notre pays». Ces avocats n’excluent pas de porter l’affaire jusque devant les juridictions supranationales : «Nous ne sommes pas prêts à nous arrêter-là, il nous appartient, de façon exclusive, de décider d’attaquer l’Etat. Aucune solution n’est exclue, nous sommes même prêts à porter l’affaire devant les organisations internationales habilitées à condamner l’Etat, et nous prendrons le temps qu’il faut pour cela».
Les soucis des propriétaires des Résidences 2000 ont commencé du temps du Président Alpha Condé. Selon Me Sékou Koundiano, c’est ce dernier qui a d’abord pris la décision d’attribuer une partie du domaine appartenant à la SIPDC à d’autres personnes qui y ont construit l’hôtel Onomo : «Nous avons traduit en justice et l’Etat guinéen et Onomo, ils ont constaté notre propriété sur ce domaine. Mais avec la force, l’hôtel Onomo est sur notre domaine».
Yacine Diallo