Alors que les acteurs de la vie sociopolitique de la Guinée admettent et demandent avec insistance la mise en place d’un cadre de dialogue politique pour discuter de la transition,  le CNRD sort la carte « des assises nationales « . Une diversion de trop qui montre la mauvaise foi de la junte au pouvoir, voulant en réalité jouer à la montre pour éloigner les acteurs de l’essentiel. 

A analyser les actions du CNRD depuis sa prise du pouvoir,  on se rend compte que le colonel Mamadi Doumbouya et son groupe sont évidemment arrivés au pouvoir par un concours de circonstances. De la démarche et aux actes posés,  il ressort clairement une incompétence notoire teintée de mauvaise foi, le tout agrémenté par l’arrogance et le mépris qui avaient caractérisé le régime dictatorial déchu d’Alpha Condé.  De ce constat, il n’y a rien à espérer des assises souhaitées par des putschistes qui ont dévoyé l’essence même de l’initiative souhaitée et souhaitable, à savoir aboutir rapidement à un régime démocratique élu par le peuple.

Primo, à sa prise du pouvoir, le CNRD a précipitamment lancé des consultations au palais du peuple pour rencontrer les acteurs socio-politiques du pays. Ce cinéma n’a pas servi à grand-chose, puisque la seule personne qui tenait le gouvernail était le chef des putschistes. Il venait à chacune des rencontres avec un discours qu’il lisait avec un ton martial. Il écoutait quelques acteurs et repartait. La suite, tout le monde la connaît : des promesses et engagement « de non recyclage  » furent pris, entre autres. Malheureusement, nous avons assisté à un recyclage à outrance des promoteurs du troisième mandat de trop de M. Alpha Condé.  Pire, de ses consultations, aucun document n’a été produit pour parler des conclusions des différentes rencontres avec les acteurs socio-politiques.  La seule chose que le Colonel Mamadi Doumbouya et son CNRD ont servi le peuple était une charte de transition qui ne reflétait nullement les aspirations du peuple. Une charte sur laquelle il prêta d’ailleurs serment, et finit aussitôt par la violer. 

Secundo : Après sa prise du pouvoir, il commencera par mettre la charrue avant les bœufs. Dans un pays aussi clivant que la Guinée, où il existe sûrement une nécessité d’assises nationales pour la réconciliation,  la justice et le pardon, il n’en demeure pas moins important d’avoir une démarche plus réfléchie et inclusive. Quand un chef de la junte,  fut-il chef d’État, va s’incliner sur les tombes des victimes des différents régimes de façon sélective, cela peut assurément engendrer des frustrations légitimes. Certains diront que c’est incongru d’aller faire des recueillements, puis d’envoyer des émissaires rencontrer les coordinations régionales. Tout cela dénote de l’amateurisme déconcertant de la junte au pouvoir. Parce que ce processus devrait être l’aboutissement d’un travail en amont, fait par une commission justice et réconciliation. A propos,  l’on se rappelle du travail sérieux et approfondi réalisé par ladite commission dirigée par nos leaders religieux (El Hadj Mamadou Saliou Camara et monseigneur Vincent Vincent Coulibaly) dont l’ancien dictateur avait refusé la mise en œuvre des recommandations. 

A quoi servent les assises dans une transition ?

Cette Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale a été créée sous la gouvernance du régime déchu d’Alpha Condé. Avec le soutien des partenaires, la Commission avait organisé des consultations couvrant la période de 1958 à 2015. Elles étaient axées sur les 4 piliers de la justice transitionnelle : recherche de la vérité, justice, réparation et réformes institutionnelles. Le rapport de cette commission avait recommandé la mise en place de la Commission définitive de la réconciliation nationale intitulée : Commission : Vérité, justice et réconciliation (CVJR).  En lieu et place des assises nationales, il faudrait plutôt  prolonger le mandat de la commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale afin qu’elle s’attèle à des consultations pour la période allant de 2016 à 2021 à l’effet de compléter son rapport et mettre en place la Commission définitive intitulée : Commission, Vérité, justice et réconciliation.

Les assises sont inopportunes et impertinentes en ce moment.  La transition est éminemment politique. Il faut ouvrir un dialogue avec les forces vives de la nation pour discuter cartes sur table de cette transition. Elle doit prendre fin le plus rapidement possible. D’ailleurs, à quoi sert d’aller à des assises les yeux bandés sans termes de référence (TDR). C’est de la manipulation. Ce qui se passera pendant cette période risque d’être utilisé pour en venir à un enlisement du calendrier de la transition, surtout quand on sait que c’est la Transition malienne qui est désormais la boussole de celle de la Guinée. De toute évidence, cette manœuvre ne marchera pas, car les citoyens et les citoyennes pro-démocratie s’y opposeront. 

Abdoulaye Oumou Sow, journaliste/blogueur

Responsable de la Communication du FNDC