Les journées d’assainissement, le premier dimanche de chaque mois, sont de retour. Elles avaient été instituées par l’ancien président, Alpha Condé. Sans grand résultat. La première, de l’ère CNRD, a eu lieu le 6 août. A l’occasion, la circulation à Conakry a été coupée de 8h à midi. Ce qui a causé des désagréments chez les populations, à l’instar de Mamadou Gando Bah.
Ce dernier a passé près de deux heures à négocier le franchissement des nombreux check-point de la police, installés le long de la route qui mène de chez lui (Bomboli, commune de Ratoma) à la clinique, à la Minière (commune de Dixinn). Invité de l’émission Espace expression, il a narré sa mésaventure et annoncé une plainte contre les services de sécurité et leurs autorités. Récit.
Mamadou Gando Bah : Samedi 6 août, déclarée journée d’assainissement par le Gouvernement, ma femme a eu des maux de ventre très atroces qui nécessitaient son évacuation à l’hôpital. Vers 8h, nous sommes sortis de la maison. Entre chez moi à Bomboli, Bambéto et Hamdallaye, j’ai rencontré trois barrages. Arrivé au premier, j’ai trouvé deux policiers : le chef et son adjoint. Ce dernier m’a demandé pourquoi je suis sorti à cette heure alors que c’est interdit de circuler. Je lui ai dit : ma femme est malade, elle est couchée sur la banquette arrière de la voiture. Il m’a redirigé vers son commandant. Après vérification, ce dernier m’a laissé passer.
« Il m’a dit de retourner avec le malade chez moi »
En route vers Hamdallaye, il y avait un autre barrage surveillé par des agents de la police routière. C’est là que j’ai rencontré des difficultés. C’est avec beaucoup de peine que j’ai pu passer. Plus de 45 mn de plaidoiries. Le policier n’est même pas venu voir si effectivement j’ai un malade ou pas dans ma voiture. Il m’a catégoriquement dit de retourner avec ma femme à la maison. Je lui ai dit : Monsieur, vous êtes marié, vous avez des enfants. À cause de la journée d’assainissement, on ne peut pas garder les malades à la maison. Il faut qu’on voie un médecin.
Lors de nos altercations, de l’autre côté, se trouvait un dispositif de la CMIS. Le commandant, je crois, qui s’est déplacé vers moi. Il m’a demandé ce qui se passe. Après mon récit, il est allé constater effectivement qu’elle se tordait de douleur et vomissait. Et toute suite, il a ordonné qu’on me laisser passer. Je suis passé.
« Pendant ce temps, ma femme vomissait »
Arrivé au Carrefour Concasseur, juste avant Hamdallaye, je suis tombé sur un autre barrage tenu par un monsieur qui doit avoir une pierre à la place du cœur. Mêmes explications, mêmes problèmes. Je suis encore descendu, venu lui l’expliquer que je dois déposer ma femme dans une clinique à la Minière. Il n’a même pas voulu m’écouter, à plus forte raison voir ma femme qui se tordait de douleur dans la voiture. Il m’a tout de suite laissé là pour aller vers la station d’essence à côté. Je suis resté à discuter avec son subordonné qui a fini par m’intimer d’enlever ma voiture sur les lieux. J’ai refusé. Les riverains ont aussi plaidé, alors que j’étais déjà hors de moi vu l’état de ma femme. Un homme est venu vers moi pour me calmer, puis il est allé au chevet de ma femme qui vomissait toujours. Directement, il est allé parler au policier afin de nous laisser passer sans succès. Après près de quarante-cinq minutes de discussions, ils nous ont libérés finalement le passage.
« Même en période de guerre, les malades se soignent »
Une fois à la clinique, la première question que le médecin m’a posée est pourquoi j’ai mis trop de temps avant de l’évacuer ? C’est ainsi que je lui ai narré ma mésaventure. Immédiatement, il l’a mise sous perfusion avant de faire des prélèvements.
Au ministre de l’Administration du territoire, au gouvernement dans l’ensemble et même au colonel Mamadi Doumbouya, cette journée d’assainissement est bonne si elle est respectée. Mais il faut faire comprendre à nos agents de sécurité que même en temps de guerre, on laisse les blessés et les malades aller se faire soigner. C’est un cas de non-assistance à personne en danger. Je compte porter plainte contre ceux qui étaient postés aux barrages des Carrefours de Bambéto et de Concasseur, le directeur général de la Police et le ministre de la Sécurité, leur tutelle.
Propos transcrits par Kadiatou Diallo