Le tollé suscité par la dissolution du FNDC par le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation est loin de retomber. Alors qu’une frange importante de l’opinion voit dans cette mesure une manière d’en finir avec les voix discordantes, les autorités de la transition tentent de sauver la face. Il était resté silencieux sur l’affaire jusque-là, le gouvernement vient finalement de sortir de l’omerta pour justifier, dans les médias étrangers, la décision. Mory Condé a donné le ton sur la chaîne TV5. Il accuse le Front d’être une menace pour la quiétude : « S’ils connaissent les valeurs que je défends, ils comprendront que je ne suis pas animé par une volonté de taire toutes les voies discordantes. Je suis plutôt dans l’obligation, en tant que ministre de l’Administration du territoire, lorsqu’une organisation menace la paix et la stabilité publique, de procéder à (sa) dissolution pure et simple ».
Le ministre Porte-parole du gouvernement a abondé dans le même sens sur RFI : « On ne peut pas laisser quiconque entraîner le pays dans une forme de violence qui ne dit pas son nom. Le droit de manifester n’a jamais été remis en cause. Mais en tant que responsables, nous étudions le contexte de la Guinée. Partout dans le monde, les gouvernements prennent des dispositions en fonction de la situation et de la lecture qu’ils font du contexte du moment pour dire telle ou telle activité, même légale, doit être contrôlée, interdite ou différée ».
Cette posture du gouvernement n’est pas du tout partagée à l’international. Sur FIM Fm, Aliou Sané, leader du mouvement sénégalais Y en a marre, a déclaré que la junte s’est fourvoyée : « C’est un acte très lâche qui donne une très mauvaise image de notre chère Guinée par la faute de cette junte militaire qui, désormais, a montré que tous les moyens sont bons pour s’éterniser au pouvoir ».
Tout comme d’autres juristes et autres leaders de la société civile africaine, Aliou Sané estime que Conakry ne dispose pas les pouvoirs pour mettre fin aux activités du Front : « Le FNDC est un état d’esprit, une volonté du peuple de Guinée de s’organiser pour la défense de la constitution. Au-delà de cela, c’est un cadre d’expression pour beaucoup de guinéens qui rêvent d’une Guinée meilleure, sans dictature, avec des dirigeants qui sont à la hauteur des aspirations populaires. Un tel mouvement n’a pas besoin d’un gouvernement. Les arguments brandis par la junte pour dissoudre le FNDC sont fallacieux. Ils violent les droits civiques et politiques des Guinéens qui se retrouvent à travers le FNDC. Ce sont des arguments utilisés par des tyrans ou dictateurs pour abattre des organisations… On ne peut pas dissoudre une idée ». Et la vague de contestation de la décision prise contre le FNDC continue.
Yacine Diallo