Un État failli, voilà ce que semble être devenue la Guinée sur le plan intellectuel, Qui l’eût cru ? Élie Kamano, bien installé à la mangeoire, fait aujourd’hui partie de ceux qui murmurent à l’oreille de la première autorité du pays, Quelle tragédie !

Il distille çà et là que le principal problème du pays serait lié à la politisation exacerbée du pays, que cette politisation daterait de 2010, qu’une quasi-équivalence existerait entre appartenance ethnique et adhésion et militantisme au sein des plus grands partis politiques du pays, que la dissolution de ces grands partis politiques s’imposerait comme solution…Quelle ineptie !Quelle ignorance ! Heureusement que journaliste était là pour oser lui dire en face que ce discours n’était que mensonges et illusions. Tellement truffés de mensonges qu’il est impossible de réagir à toutes les affirmations faites par ce monsieur dans l’émission Mirador. Dites tout de même à cet imposteur que la Guinée a toujours été un pays politisé, mais que la manifestation de cette facette de notre pays ne s’est révélée que lorsque la possibilité a été offerte à chaque Guinéen de faire un choix libre, avec le multipartisme au début des années 1990. Auparavant, le parti unique était de rigueur dans le pays sans qu’aucune autre option ne soit ouverte aux Guinéens,

Il brandit pour preuve de cette supposée absence de politisation le fait que les animateurs culturels étaient les principales vedettes médiatiques à l’époque de Lansana Conté, donc le pays était avant tout, culturel de son point de vue. Et bien, il en était ainsi tout simplement parce que nous vivions sous une véritable dictature qui ne tolérait pas l’existence de radios ou télés privées, à plus forte raison donner librement la parole à des responsables politiques opposés au régime dans le cadre d’une quelconque émission politique, donc sans possibilité d’émergence d’un chroniqueur politique de renom,

Faut-il encore lui rappeler que c’est une habitude pour les dictateurs de mettre le paquet sur la culture pour donner au peuple de quoi se divertir afin que celui-ci ne se préoccupe point de la situation politique du pays. En réalité, il n’y a rien de plus dangereux pour la cohésion sociale dans notre pays que cette idée de dissolution des plus grands partis politiques. Non seulement, les autorités actuelles du pays n’ont reçu aucun mandat pour agir ainsi,
mais, à supposer que cette dissolution soit possible sans heurts et que cette junte et ces sbires puissent imposer au peuple de Guinée d’autres leaders politiques, cela signifierait simplement qu’au lieu de s’attaquer aux vrais problèmes du pays, on aura simplement caché sous le drap une des caractéristiques les plus ancrées dans le corps social de notre pays en priant pour qu’il ne se manifeste pas de nouveau à tout moment sous d’autres formes.

Il en découlera a minima une hausse sans précédent du taux d’abstentions et un problème certain de légitimité pour tout pouvoir issu d’une telle élection, Pis encore, cette situation peut se révéler être une cocotte-minute non surveillée,  donc susceptible d’exploser à tout moment, puisqu’on aura empêché nos compatriotes d’exprimer leur soutien démocratique aux leaders politiques qui incarnent le mieux leurs attentes. Espérons qu’il n’en soit pas ainsi.

Espérons aussi que quelques personnes éclairées rôdent encore autour de cette junte, et disposent d’une influence suffisante pour lui faire comprendre que cette idée est ce qu’il y a de plus dangereux pour le pays pendant cette période transitoire. Mais disons-le clairement, le simple fait de donner la parole à Élie Kamano dans un des talk-shows les plus écoutés du pays traduit une forme de léthargie intellectuelle du pays.

La prise de parole de l’imposteur intervient au lendemain de la suspension de M. Ibrahima Sory Lincoln Soumah par la HAC pour des propos qui seraient en rapport avec un commentaire mettant l’accent sur le caractère ethnique des répressions sanglantes des manifestations du 17 août 2022. Pourtant, les propos tenus par Elie Kamano se caractérisent par un discours d’une gravité sans commune mesure avec les propos de M. Ibrahima Sory Lincoln Soumah.

Plus globalement, les intellectuels de Guinée ont-ils décidé de déserter le pays pour laisser au sommet de notre État et autour de celui-ci, des médiocres et apprentis prestidigitateurs qui ont pour intention de faire prendre au pays des orientations suicidaires ? Si oui, pourquoi ne pas au moins chercher à faire valoir des arguments plus éclairés et parfois contraires au discours construit de toutes pièces que la junte souhaite imposer en Guinée comme si nous étions dans les années 1970 ?

Qu’ils soient dans le pays ou en dehors de celui-ci, il est important que les intellectuels guinéens prennent davantage la parole pour ne pas laisser véhiculer auprès de la population guinéenne sans aucune contradiction, un récit mensonger et susceptible de conduire le pays à l’affrontement. La faillite intellectuelle de la guinée n’est pas une fatalité.

LCG