L’homme d’affaires controversé Jean-Pierre Amougou Belinga a finalement été arrêté au petit matin. Reporters sans frontières (RSF) livre le récit de cette interpellation capitale dans l’enquête en cours sur l’assassinat du journaliste Martinez Zogo.
La première réunion s’est tenue un peu après minuit à la légion du Centre, le siège de la gendarmerie nationale à Yaoundé, la capitale du Cameroun. Pendant toute la nuit, plus d’une centaine de gendarmes sont briefés sur l’opération à venir. Celle-ci est dirigée par Jean-Pierre Otoulou, le colonel chargé de l’enquête sur l’assassinat du journaliste Martinez Zogo le 17 janvier dernier. Les hommes mobilisés, des gendarmes, sont répartis en trois groupes pour autant d’arrestations planifiées. À cinq heures du matin, chacun prend la direction des domiciles des cibles visées. Le plus important des groupes compte une cinquantaine d’hommes. Il prend position une demi-heure plus tard autour de la maison de Jean-Pierre Amougou Belinga, fortement suspecté de faire partie des commanditaires de l’assassinat du journaliste camerounais d’après les premiers éléments de l’enquête.
Tapis à quelques mètres de la villa, les gendarmes attendent six heures du matin pour lancer l’assaut. Aucune interpellation ne peut avoir lieu avant selon la loi camerounaise. Une dizaine d’hommes armés gardent le domicile. Ils commencent par résister puis finissent par être désarmés. Leurs téléphones portables sont saisis. Les gendarmes sonnent. Jean-Pierre Amougou Belinga ne répond pas. Sa porte d’entrée et celle de sa chambre sont finalement forcées. Le magnat camerounais est arrêté dans sa chambre Avant de partir, il dit à son épouse de ne pas s’inquiéter.
Entre-temps, se sachant encerclé, il a eu le temps d’appeler son responsable de la sécurité et beau-père le colonel Nsoé, un ancien commandant de la garde présidentielle. Lui aussi est visé par un mandat d’arrêt. Sorti faire son jogging très tôt, l’homme sera finalement interpellé à son arrivée au domicile de Jean-Pierre Amougou Belinga. Bruno Bidjang, le directeur du groupe de médias Vision 4 appartenant à l’homme d’affaires fait également partie des personnes arrêtées dès l’aube.
Quelle ligne de défense adoptera Jean-Pierre Amougou Belinga désormais aux mains des enquêteurs du secrétariat d’État à la Défense? Reconnaîtra-t-il les faits qui lui sont reprochés? Sa version du déroulé des événements est très attendue compte tenu des nombreux éléments rassemblés contre lui au cours de l’enquête, dont le témoignage du chef du commando ayant tué Martinez Zogo, comme l’a révélé RSF vendredi dernier.
Depuis le début de l’enquête, une vingtaine de membres de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) dont son patron et son directeur des opérations ont été arrêtés. Selon les confidences faites à RSF, les éléments à charge contre ce service de renseignement accusé d’avoir espionné, enlevé, torturé puis tué le journaliste Martinez Zogo, sont très nombreux.
La déposition de son directeur des opérations Justin Danwe consultée par RSF faisait également état d’un appel de Jean-Pierre Belinga à l’actuel garde des Sceaux Laurent Esso au moment même où le journaliste était torturé en présence et dans l’immeuble de l’homme d’affaires selon ce témoignage. Les deux hommes sont connus pour être très proches. Les gendarmes ont d’ailleurs eu la surprise de constater que le domicile de Jean-Pierre Amougou Belinga était sécurisé par des gardiens de prison. Une mission très inhabituelle pour ceux qui sont normalement déployés dans les centres pénitenciers du pays et dont le ministre de tutelle n’est autre que Laurent Esso.
Reporters Sans Frontières