Trois jours seulement après l’épilogue du procès sur les massacres du 28 septembre 2009, les Forces vives de Guinée ont battu le pavé dans le vieux continent. Et le lieu choisi n’est pas anodin. Cette manifestation, qui a regroupé les partis politiques les plus représentatifs ainsi que les organisations de la société civile, s’est déroulée à Bruxelles, la capitale de l’Union européenne.

Que les victimes directes ou indirectes de la folie meurtrière de septembre 2009 manifestent juste après le verdict relatif à cette tragédie, celui qui ne suit pas l’actualité guinéenne pourrait penser que cette manifestation avait pour objectif de saluer le verdict. Il n’en est rien. Pour les manifestants, et pour de nombreux observateurs, si le but du procès, qui a connu sa péroraison le 31 juillet 2024, était de dissuader les commanditaires et les exécutants de ces crimes à perpétrer d’autres à l’avenir, la montagne aura accouché d’une souris.  Et pour cause, la veille même de la décision du tribunal criminel de Dixinn, d’autres jeunes sont tombés sur l’axe Hamdalaye-Kagbélen.

Les Forces vives ont donc organisé la manifestation de Bruxelles pour attirer l’attention des dirigeants du vieux continent – et le reste du monde en général – qu’en ce mois d’août 2024, les libertés et les droits de l’homme ne se portent pas mieux qu’il y a 15 ans en Guinée. Elles sont même pires. Car la situation d’avant 28 septembre 2009 n’est en rien comparable à celle qui prévaut aujourd’hui. Hier l’opposition existait et se réussit. Les médias exerçaient librement. Aujourd’hui, la situation est totalement et radicalement différente. Le CNRD est moins tolérant que le CNDD. On se souvient que Cellou Dalein Diallo était revenu au pays pendant que le CNDD était au sommet de sa gloire. Même s’il existe un bémol avec l’interruption de sa mission en Haute-Guinée. Ce qui est inimaginable aujourd’hui.

Les Cellou Dalein, Sidya Touré et Aboubacar Soumah, pour ne citer que ces trois, ne se sont pas fait prier pour prendre le chemin de l’exil. Avec le récent enlèvement d’Oumar Sylla Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, Sékou Koundouno se rend compte qu’il a fait le bon choix de se mettre à l’abri.

Autre comparaison d’avec la situation qui prévalait en 2009, les principales radios et télévisions privées, dont les agréments ont été purement et simplement retirés, faisaient correctement leur travail en 2009. Celles qui émettent encore aujourd’hui réfléchissent mille fois avant d’ouvrir la bouche.  Comme l’atteste le cas de deux activistes portés disparus, selon la version officielle et kidnappés pour leurs familles et camarades lutte, les droits de l’homme n’ont jamais été aussi malmenés qu’aujourd’hui.

Il n’en fallait pas plus pour que les Forces vices, au-delà de leurs différends et différences, décident de se faire entendre. Malheureusement, leur voix risque d’être inaudible à cause du lieu choisi pour dénoncer « la nouvelle dictature en Guinée. » Tant que les manifestations se dérouleront loin du pays, la junte va se frotter les mains. Les Forces vives le savent. D’autant plus que la communauté internationale, déçue par le bilan de l’élu de 2010, notamment en matière des droits de l’homme, exerce moins de pressions sur le CNRD qu’elle l’avait fait sur le CNDD.

Ce qui met les Forces vives dans un dilemme cornélien. Faut-il faire ce que le RPG qualifiait hier « d’envoyer les enfants à l’abattoir », (organiser des manifestations de rue) ou faut-il envisager d’autres actions, comme manifester à l’extérieur ? Le premier cas est trop risqué mais plus efficace. Et le second n’égratignera pas une mouche mais ne dérangera pas non plus le locataire du plais Mohamed V.

Habib Yembering Diallo