Dans un pays où nombre de cadres en bois sont opposants le jour et partisans la nuit, Khalifa Gassama Diaby constitue incontestablement l’exception qui confirme la règle. L’homme a posé deux actes qui attestent qu’en dépit de tout, il y a des hommes dont les convictions restent intactes avant, pendant et après le pouvoir.

Celui qui fait de nouveau parler de lui a été le seul membre du goubernement à déroger à la règle pour avoir dénoncé publiquement les dérives du système auquel il appartenait. L’homme a irrité ses pairs et les gardiens du temple, les communicants du parti « innovant » du Prési Grimpeur. A plusieurs reprises, l’aile dure du RPG a martelé que le ministre de la Réconciliation nationale devait obéir à la logique de Jean-Pierre Chevènement : un ministre ça ferme sa gueule, ou ça démissionne. Le Khalife de Boké finira par opter pour la seconde solution.

L’acte, tout aussi symbolique que patriotique, intervenu après un nombre effroyable de morts et de blessés de la Gouvernance Grimpante, blanchira l’homme. Avec lui, le ministre de la Justice d’alors le Chèque Sako et celui de l’Enseignement supérieur, Abdoulaye Yéro Ta-Baldé. Même si les Guinéens ignorent la mise en garde de Winston Churchill selon lequel « un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre ». Le trio, Khalifa Gassama Diaby, Cheick Sako et Abdoulaye Yéro Baldé, a renoncé aux avantages et privilèges ministériels pour éviter le 3è mandat de leur patron. Déjà, s’annonçaient les couleurs : « partout où il y a eu un troisième mandat, il y a eu des morts ».

Lorsque le crime est assumé avant qu’il ne soit commis, il faut vite faire le choix : rester ou partir. Les trois hommes opèrent le choix patriotique. Contrairement à tous ceux qui ont attendu le tsunami du 5 septembre 2021. Les uns furent jetés en taule, les autres, dans les poubelles de l’histoire. Ceux qui avaient jeté l’éponge le regardent la tête haute. Comme si le trio avait traduit dans les faits les sages paroles du Prophète de l’Islam qui recommande de combattre le mal par les mains. Si cela n’est pas possible, il faut le faire par la bouche. A défaut, il faut le répugner. A défaut de faire ce que le patron des Forces spéciales a fait le 5 septembre 2021, le trio applique la dernière recommandation. Aujourd’hui, il peut s’exprimer sans susciter un tollé au sein de l’opinion publique.

Les trois ministres du Grimpeur n’étaient pas les premiers à rendre le tablier dans ce pays. D’autres l’avaient fait. Surtout après la tragédie du 28 septembre 2009. Même si les démissionnaires l’avaient fait plus par peur de se taper un visa gratuit pour La Haye que pour marquer leur indignation à l’issue de l’hécatombe du 28 septembre 2009. Qu’à cela ne tienne, ils s’étaient distingués par rapport à ceux qui, contre vents et marées, se sont accrochés à leur poste jusqu’à la date fatidique du 3 décembre 2009.

Plus près de nous, dame Yarie Soumah, première ministre de la Justice du CNRD a tôt fait de jeter l’éponge. Le Premier ministre, Mohamed Béavogui, lui emboîtera le pas. En sourdine, tous avaient dû se rappeler du dicton : la bonne sauce manifeste sa bonne odeur très tôt. Le cafardage dont le successeur de dame Ya-riz a fait l’objet lui donnera raison. Et plus tard, le duel entre Charle Wright et Bernard Goumou prouvera que Mohamed Béavogui a fait le bon choix. En douce.

Depuis, il y a eu suffisamment des faits et méfaits susceptibles de convaincre nos ministres de la nécessité d’abandonner le navire avant qu’il ne commence à tanguer. Perceptible était la violation du serment selon lequel aucune goutte de sang ne sera plus versée dans ce pays pour des raisons politiques. Or, depuis les larmes de crocodile au cimetière de Bambéto, le 27 septembre 2021, beaucoup de jeunes ont été liquidés à bout portant. Maintenant, les victimes sont enterrées en toute…clandestinité.  

Nos nouveaux maîtres nous ramènent les pratiques de nos camarades soviétiques : le brouillage des ondes, l’obsession d’un retour à la pensée unique. Les principaux concurrents de l’ancienne Voix de la Révolution sont réduits au silence. Ceux qui continuent à émettre sont avec la télé-bidon comme bonnet blanc et blanc bonnet.

Plus grave, Foniké Menguè et Billo Bah, deux hommes qui semblaient perturber le sommeil du Palais Mohammed V sont kidnappés et envoyés pour une destination inconnue. Le pro-crieur général confesse qu’il ne sait pas où ils sont détenus. Le porte-voix du goubernement banalise que les adultes peuvent se cacher volontairement. Insinuant cyniquement que les infortunés ont fugué comme enfant de la rue. Et cela, malgré le témoignage à la fois édifiant et poignant de leur malheureux compagnon, Mohamed Cissé.

Pourtant, le ministre de la Sécurité avait promis de marquer une rupture totale avec les pratiques du passé. On espérait la fermeture de Sorokoni, devenu un nouveau goulag tropical. Avec le recul, on se rend compte qu’hier c’était mieux, au moins, les proches de ceux qui étaient arrêtés savaient où se trouvaient les leurs. Le Premier de nos ministres, membre fondateur de l’Organisation Guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen reste muet face à un retour aux pratiques des années de plomb. Ceux qui ont connu Amadeus Oury Bah ne le reconnaissent plus.

Autant cet ancien ministre de la Réconciliation nationale devenu PM est une déception, autant un autre qui a occupé ce poste après lui est une exception. Autant Amadeus Oury Bah incarne ce Guinéen dont les convictions varient selon son statut social, autant le Khalife Diaby est la preuve qu’en dépit de tout, il y a des Guinéens qui nous font espérer une Guinée meilleure.

Habib Yembering Diallo