RNIERE MINUTE : Nous avons eu en main le 30 juillet 2024, un document de 28 pages intitulé : « Nouvelle Constitution ». Il est dit à la première page qu’il s’agit de : « Présentation officielle de l’Avant-Projet de la Nouvelle Constitution ». Nous avons donc travaillé sur ce document et avions fini de rédiger le brouillon de la présente déclaration. Et voilà que le 11 août 2024, nous recevons un autre document intitulé : « Avant-Projet de Constitution de la République de Guinée ». Un rapide coup d’œil permet de constater que les deux documents ne sont pas complètement identiques, en dehors même du fait que le premier n’avait pas d’articles comme le second. Nous sommes donc en présence de deux versions de constitution ! Et nous ne savons pas lequel des deux est authentique. Le premier document est un mélange de texte de loi et d’exposé des motifs…
Cette situation nous a immédiatement rappelé la Constitution du troisième mandat de 2020 qui avait connu pas moins de quatre versions !
Personne ne sait où va s’arrêter cette valse de textes fondamentaux pour l’avenir de notre pays.
Nous maintenons donc notre analyse initiale de l’Avant-Projet en ajoutant ce qui a changé dans la version 2, en attendant plus…
I. INTRODUCTION
Après plus de 3 ans d’existence, des interrogations légitimes et des relances répétées par les acteurs politiques, civils et même de la part de pays amis, le CNT du CNRD a fini par accoucher d’un « Avant-Projet de la Nouvelle Constitution ».
Dans notre pays, nous sommes déjà arrivés à un stade où la simple liberté d’expression et même d’opinion, se paie très cher. Actuellement, tous les partis politiques sont tenus en laisse par le CNRD, avec l’épée de Damoclès de l’interdiction au-dessus d’eux. Malgré tout et quoi qu’il nous en coûtera, nous allons donner notre opinion sur le texte qui est amené à servir de future Loi Fondamentale de notre pays. Nous le devons au peuple de Guinée.
Après une analyse objective, basée sur les faits actuels et passés de l’histoire de la Guinée, nous dirons la vérité aux gouvernants et au peuple. Un philosophe avait a dit : « Seule la vérité est révolutionnaire » car porteuse de justice, de paix et de progrès. Nous sommes d’autant plus à l’aise pour le faire, qu’à leur prise du pouvoir et sans applaudir comme d’autres, nous leur avons fait part de ce que nous pensions être bon à ce stade pour la Guinée et son peuple. Nous avons toujours félicité et encouragé toutes les initiatives qui ont été prises par le CNRD en matière de promotion d’une justice indépendante et équitable, d’une éducation de qualité pour tous, de l’amélioration de la pension des retraités. On sait aujourd’hui que ce n’était que des initiatives de circonstance, le temps de bien s’installer, pour confisquer ensuite le pouvoir par la force, avec un habillage légal.
Qu’est-ce qu’une constitution ?
En principe, la constitution est un cadre légal, moral et non partisan, devant permettre à un Etat de résoudre positivement, les problèmes et les anomalies graves qui ont constitué un obstacle à son équilibre, à son développement harmonieux et à l’épanouissement de ses populations. Elle doit aider à sortir de la décadence, de la ruine physique et morale, de la misère, des injustices et de l’instabilité chronique.
C’est une loi suprême d’inspiration politique qui prime sur toute autre et qui s’impose à tous les individus et à toutes les institutions de la République. Guide spirituel mobilisateur, solidement articulé dans un texte bien rédigé, clair et précis au plan juridique, la Constitution est amenée à servir de référence infaillible, pour résoudre pacifiquement les problèmes auxquels la société guinéenne est confrontée dans sa marche en avant.
La Guinée et ses multiples constitutions
Malheureusement et contrairement à ces principes, depuis 1958, la tradition bien établie est que chaque pouvoir qui s’installe par les moyens de son choix, fabrique sur mesure sa propre constitution, pour rester inamovible. Dans l’histoire de la Guinée, tous les crimes, les actes barbares, inhumains, les injustices sociales, la confiscation des libertés individuelles et collectives, la braderie des richesses non renouvelables du sol et du sous-sol, ont été commis, sous le couvert de généreuses constitutions.
Dans maints pays africains, les textes constitutionnels ne sont que des paravents de circonstance pour les pouvoirs qui s’installent. Même la prestation de serment n’est qu’un acte folklorique qui n’engage à rien. Les textes sont très souvent ouvertement violés, piétinés, ignorés, détournés dans la lettre et dans l’esprit. Lorsqu’ils n’en peuvent plus de continuer à violer les textes qui les dérangent, ils fabriquent de nouvelles constitution pour se cramponner au pouvoir et agir à leur guise, sans contrôle. Ils considèrent leur pouvoir comme étant de droit divin et à vie. Voilà le vrai drame des micro-Etats issus de la balkanisation de l’Afrique, après la domination coloniale directe et les indépendances octroyées.
En Guinée, depuis 1958, la seule Constitution qui sort du lot, est celle de la Transition de 2010. En quelques mois seulement, le CNT de l’époque, représentatif de toute la Communauté guinéenne, non assujetti à un pouvoir exécutif quelconque, avait adopté un texte novateur, réformateur, progressiste et équilibré. Bien des insuffisances et les manquements constatés dans la Loi Fondamentale de 1990 y avaient été corrigés. Même à l’échelle de l’Afrique, cette constitution était vue comme une référence en matière de libertés, de progrès et d’équilibre des pouvoirs, dans l’unité et la fraternité. Le texte était tellement consensuel qu’à l’époque, personne n’avait eu l’idée de le faire adopter par un référendum. Avec cette troisième transition de l’histoire de la Guinée, nous avions été nombreux à recommander qu’au lieu de se lancer dans la rédaction d’une nouvelle constitution, il fallait simplement amender celle de 2010. Mais comme nous l’avions soupçonné et dénoncé, le CNRD avait son agenda caché qu’il est toujours entrain de dérouler et ne pouvait donc pas s’appuyer sur un texte aussi démocratique et positif.
II. GENERALITES SUR L’AVANT-PROJET DE CONSTITUTION
Une constitution parrainée par un pouvoir quelconque est d’abord une promesse de ses initiateurs et inspirateurs. Et comme nous l’avons déjà signalé, en Afrique généralement, les textes sont faits pour être bafoués par les tenants du pouvoir. En toute logique, pour prévoir le comportement futur du pouvoir actuel face à sa constitution, nous devons nous appuyer sur des faits avérés, incontestables relatifs à sa gouvernance depuis qu’il est aux affaires le 5 septembre 2021. Il faudrait voir quel sort il a réservé à son texte fondateur, la Charte de la Transition. A cet égard il est intéressant de noter l’étrange similitude dans la forme et le style, entre les deux textes (la Charte de la Transition et l’Avant-Projet de Constitution). On dirait que les deux documents ont été rédigés par les mêmes personnes…
Ceci dit, il est important de souligner que nous n’avons eu en main qu’un avant-projet. Il ne s’agit pas du texte définitif qui sera soumis à un référendum. Ses auteurs ont donc toutes les possibilités de rectifier et d’amender le texte, pour tenir compte des critiques objectives et des suggestions qui sont faites. Les modifications qui seront éventuellement apportées au texte original donneront la mesure de leur bonne foi et leur volonté, à prendre en compte des opinions bien fondées mais différentes des leurs. Mais il est encore plus important de souligner que les beaux textes ne servent absolument à rien, s’ils doivent être ignorés et piétinés comme par le passé.
III. LE SORT RESERVE PAR LA JUNTE A SA CHARTE DE LA TRANSITION
1. Les leçons tirées du Préambule de l’Avant-Projet
Au Préambule (page 4), nous avons un rappel très utile sous forme de dénonciation des multiples violations des droits humains observés dans les précédents pouvoirs. Suivent de généreuses proclamations sur l’attachement du CNRD aux droits humains et démocratiques, se référant même à la Charte des Nations-Unies, à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, à la Charte Africaine de la démocratie, de la bonne gouvernance et des élections du 30 janvier 2007 ainsi que le Protocole A/SP1/12/01 du 20 décembre 2000 de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et les élections.
Les dispositions ci-après de la Charte de la Transition relatives aux droits humains ont été reprises dans l’Avant-Projet de Constitution Version 1 :
. Article 8 page 6 de la Charte de Transition, il est dit : « Aucune situation d’urgence ne doit justifier la violation des droits humains ».
. Article 10 de la même page 6 poursuit sur le même registre des droits humains : « La personne humaine est sacrée. Toute personne a droit au respect de son intégrité physique et morale, de son identité et à la protection de son intégrité et de sa vie privée… ».
.Article 11, page 6, nous lisons : « Nul ne peut faire l’objet de tortures, de peines ou de traitements cruels, dégradants ou inhumains ».
. Article 12, page 6 précise que la loi interdit les arrestations et détentions arbitraires.
. Etc., Etc.
Dans son chapitre consacré aux droits civils et politiques, l’Avant-Projet de Constitution aux Droits civils et politiques (page 6) renchérit ainsi :
. L’inviolabilité et la sacralité de l’être humain et de sa dignité
. Le droit de cortège et de manifestation pacifique
. L’inviolabilité de l’intimité de la vie privée et du domicile
. La garantie de la liberté d’expression, de la liberté de presse et de la communication
. Etc., etc.
On sait ce qu’il en a été de ces beaux textes, de ces beaux principes et ces déclarations de bonnes intentions, depuis que le CNRD a pris le pouvoir. Les tueries de personnes innocentes à l’occasion des manifestations, les arrestations arbitraires, l’usage systématique de la torture, des traitements inhumains et dégradants, les enlèvements, disparitions et séquestrations de citoyens, en dehors de toute procédure judiciaire régulière, la mort en détention de personnes victimes de « crise cardiaque », les violations de domicile, les détentions arbitraires, sans jugement et on en passe, en disent long sur le respect des textes par la junte au pouvoir. Tous les citoyens, y compris les membres des forces de sécurité pourtant généralement complices de tels faits, n’y échappent pas eux-mêmes. On n’est en plein dans les pratiques hélas bien connues dans notre pauvre pays depuis 1958, avec juste quelques périodes d’accalmie. On se souvient encore des membres du fameux « Comité Révolutionnaire » des assassins et tortionnaires du Camp Boiro, qui pouvaient finir par se retrouver dans la même cellule et même dans la fosse commune que leurs pauvres victimes.
Après ces violations flagrantes et persistante des droits humains, nous avons assisté à la suppression pure et simple de la liberté d’opinion et d’expression. Les réseaux sociaux qui dérangeaient le pouvoir ont été longtemps bloqués. L’internet, « qui n’est pas un droit » selon eux, a même été bloqué quelquefois. Nous avons assisté ensuite au brouillage de fréquence des radios-télévisions. Après cela, c’était le blocage de sites médias internet. Et pour finir, la fermeture définitive des médias qui dérangeaient le pouvoir d’une manière ou d’une autre. Tous ces actes liberticides ont été commis au nom des « impératifs de sécurité ». Des milliers d’hommes et de femmes – le plus souvent des jeunes – des médias vivant déjà généralement dans la précarité, se sont retrouvés à la rue, exposés eux et leurs familles aux pires souffrances, au manque de logement et même à la faim, aux maladies sans soins et aux enfants non scolarisés.
Dernière minute – Constitution – Version 2 – Nous lisons :
Article 16.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. L’intimité de la vie privée et le domicile sont inviolables.
Toute violation de domicile ou toute atteinte à l’intimité de la vie privée, quels qu’en soient les raisons et les moyens utilisés, est punie conformément à la loi.
Toute perquisition, toute visite domiciliaire ou toute autre atteinte à l’inviolabilité du domicile ne peut être prononcée que par le juge ou par toute autre autorité que la loi désigne et dans les formes qu’elle prescrit.
Les interventions ayant pour objet de prévenir un péril grave et imminent, de parer à un danger commun ou de protéger la vie des personnes ne sont pas soumises aux exigences de l’alinéa précédent, sous réserve des dispositions de l’article 8.
La nouvelle version 2, introduit ainsi le concept de « prévention d’un péril grave et imminent », pour justifier la violation des droits humains. Toutes les prétendues garanties de respect des droits humains données par le même texte sont donc annihilées d’un trait de plume par cet alinéa assassin de l’Article 16.
Cette disposition réduit à néant celle de l’Article 32 qui dit :
Les droits et libertés consacrés par les articles 7 à 31 sont inviolables, inaliénables et imprescriptibles dans les conditions définies par la loi.
Aucune situation d’urgence ou d’exception ne peut justifier la violation des droits humains.
Voilà qui est clair : la nouvelle Constitution contient tout et son contraire. La porte est ainsi largement ouverte à la continuation sous une forme « légale » des graves violations des droits humains que la junte est entrain de commettre.
2. Illustration supplémentaire de la violation des textes
Au chapitre des élections base du respect de la souveraineté du peuple de choisir librement ses dirigeants, nous avons eu l’épisode des délégations spéciales, mises en place sur tout le territoire, en remplacement des conseils communaux et municipaux élus. Les choix ont été faits à la discrétion des autorités. Dans bien des cas, au nom du changement, on a procédé à des choix arbitraires, ouvertement basés sur l’exclusion de certains citoyens, à certains endroits du territoire…L’unique raison invoquée était la fin du mandat des élus locaux de 2018. Mais si cette raison doit être retenue, qu’est ce qui empêchait d’organiser des élections, après 30 mois de pouvoir du CNRD ? Cet acte était une preuve supplémentaire de l’existence d’un agenda caché.
- Disposition fondamentale de la Charte de la Transition passée à la trappe avec l’Avant-Projet de Constitution
L’Article 46 de la Charte de Transition stipule : Le Président et les membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement ne peuvent faire acte de candidature ni aux élections nationales ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition.
Or, dans l’Avant-Projet de Constitution, cette disposition fondamentale visant à prévenir l’usage de la force pour conquérir et conserver le pouvoir, a été totalement ignorée.
Comme on le voit, la mention faite dans l’article 46 a été balancée par-dessus bord dès que l’occasion s’est présentée. On a ainsi compris que nous sommes toujours dans la continuité des pratiques consistant à faire de belles proclamations, la main sur le cœur, au début du règne et ensuite à se débarrasser dès que pôssible de toutes les dispositions gênantes. La méthode est vieille comme l’histoire de la Guinée. C’est celle qui inspire les référendums de troisième mandat ou de changement non nécessaires de constitution, pour se cramponner au pouvoir, coûte que coûte, en Guinée, comme ailleurs en Afrique. Les promesses des dictateurs n’engagent que ceux qui y croient.
La meilleure illustration de ce triste constat est le fait qu’à date, la composition nominative du CNRD est inconnue ! Malgré toutes les interpellations de toutes parts, la junte n’a jamais voulu rendre public sa composition. C’est dire donc que dans leur esprit, personne parmi eux n’était concerné par l’Article 46 de la Charte de la Transition !
Si le CNRD avait réellement l’intention de respecter le principe de sa non-participation aux futures élections, pourquoi ne pas l’avoir prévu dans les dispositions transitoires finales qui sont pourtant présentes dans l’Avant-Projet de Constitution ?
- La visite médicale d’aptitude
L’examen médical d’aptitude physique et mentale des candidats à l’élection présidentielle qui figure en page 11, a été emprunté à la Constitution de 2010.
Dans cette affaire, nous sommes en plein dans les textes bien rédigés et qui, dans la pratique, sont vidés de leur contenu. En effet, à l’élection de 2010, il y avait 24 candidats dont aucun n’avait été recalé pour raisons médicales. Plus grave, aucun candidat n’a eu connaissance des résultats de son examen d’aptitude ! Cependant, nous avons appris de façon informelle qu’il y avait parmi nous, 6 candidats qui auraient dû être écartés !
Dans le contexte de cette nouvelle constitution qui autorise les candidatures de 80 ans, ce point est encore plus crucial, si on ne veut pas imposer à la Guinée le calvaire et la régression, à cause de présidents malades ou atteints de sénilité. On se souvient du calvaire vécu par le peuple de Guinée entre 2002 et 2008…
Dernière minute – Constitution – Version 2 – Nous lisons :
Article 46 – … Tout candidat à l’élection présidentielle est tenu d’être présent sur le territoire national, depuis le dépôt de sa candidature jusqu’à la proclamation des résultats définitifs, sauf cas de force majeure dûment constaté par la Cour constitutionnelle.
Cet ajout se passe de commentaires, tellement la volonté d’écarter d’office certains candidats est flagrante ! C’est clair comme de l’eau de roche ! Les exilés politiques, craignant pour leur sécurité et même pour leur vie sur le territoire, ne peuvent pas être candidats, même si par ailleurs, ils remplissent toutes les autres conditions. Ce rattrapage a le mérite de dévoiler ce qu’on pouvait soupçonner : la Constitution, plutôt que d’être orientée pour l’intérêt général, cible positivement ou négativement des individus…bien connus sur la scène politique guinéenne ! Depuis que l’affaire de la limitation d’âge a été âprement discutée en 2010, nous n’avons cessé de mettre en garde contre les constitutions basées sur la situation particulière d’individus.
IV. ANALYSE DE L’AVANT-PROJET DE CONSTITUTION
- La forme
Dans la forme, ce qui frappe dans ce texte, c’est la prédominance du flou, des vagues généralités, de l‘imprécision, du verbiage pseudo-humaniste, pour cacher les intentions véritables des auteurs pour le futur de la Guinée. Pour tout dire, le texte est caractérisé par le manque de transparence, ouvrant la voie à toutes les interprétations et toutes les manipulations, en toute « légalité », après son adoption. Surtout si en plus, c’est l’usage de la force qui prédomine.
- Les nouveautés de la Constitution du CNRD
Ce qu’on attend généralement d’une nouvelle constitution, ce sont des avancées pour les libertés, le progrès social, la justice, la sauvegarde du patrimoine public, la séparation des pouvoirs et la correction des dispositions antérieures dépassées. Si on s’inspire d’exemples étrangers, surtout hors d’Afrique, il faudrait au moins s’assurer qu’elles sont compatibles avec les conditions concrètes de notre pays, sous-développé, très attardé, corrompu, enfoncé dans une décadence sans fin. Or cet Avant-Projet de Constitution, au lieu de continuer la marche en avant du peuple de Guinée vers un Etat de droit digne de ce nom, ramène la Guinée à des dizaines d’années en arrière. Tous les acquis démocratiques depuis 1990 sont pratiquement anéantis.
- Un sénat (Articles 108 à 113)
Ainsi, l’Avant-Projet gratifie la Guinée d’un Sénat. Mais on ne nous dit même pas combien aurons-nous de sénateurs ! Comme aux Etats-Unis d’Amérique, nous aurons donc un système bicaméral : la chambre des députés et le sénat.
Nous savons tous ce que représente aujourd’hui en Afrique et particulièrement en Guinée, l’Assemblée des députés : une coûteuse institution, juste bonne à servir de chambre d’enregistrement des volontés du pouvoir exécutif, au lieu d’être une force de propositions positives, de contrôle et de contrepoids d’un pouvoir exécutif omnipotent. Le CNT du CNRD en donne une parfaite illustration. Le pire exemple que nous ayons probablement en Afrique est la monstrueuse chambre de députés de la République Démocratique du Congo dont chaque membre se tape 30 000 Dollars américains par mois ! Tout ceci dans l’un des pays les plus pauvres, les plus corrompus du monde et le plus pillé de ses richesses minières !
Un sénat ne sera qu’un fardeau supplémentaire pour le budget de l’Etat, uniquement destiné à « nourrir » des auxiliaires du pouvoir exécutif, dans le cadre d’un partage du gâteau. Le peuple, particulièrement la jeunesse, ploie déjà sous le poids écrasant d’un Etat aux mains d’une bourgeoisie militaro-bureaucratique qui absorbe la quasi-totalité des richesses du pays. Dans ces conditions, un sénat non seulement n’apportera rien au développement du pays, mais ne fera qu’aggraver cette situation insoutenable, surtout pour des Etats africains moribonds, en faillite non déclarée.
Cette deuxième chambre est d’ailleurs gratifiée d’un rôle placé sous le signe de la confusion. Dans ses compétences, il est dit : « Le Sénat est gardien des us et coutumes, des valeurs morales et traditionnelles ». Peut-on être plus vague ! Ainsi, sous couvert d’une disposition aussi vide, on pourra justifier l’injustifiable.
Nous sommes des Africains et fiers de notre histoire, mais nous ne pouvons pas oublier que depuis la défaite et la destruction de l’Egypte pharaonique, les élites dirigeantes africaines ont utilisé le concept de sacralisation du pouvoir pour accepter la Traite Négrière ainsi que l’esclavage qui était inconnu en Egypte ancienne. Avoir des dirigeants qui ont droit de vie et de mort sur n’importe quel citoyen a été hélas une pratique de nos souverains féodaux. C’est cette oppression et les énormes souffrances endurées par nos peuples, qui ont ouvert la voie à la conquête européenne. On voit bien où veulent en venir les dirigeants africains qui clament que nous n’avons pas besoin de la démocratie.
Sur le même registre, on notera pour le déplorer, l’insistance des auteurs du texte à parler de « langues nationales », comme si une seule langue parlée sur le territoire guinéen était propre à la Guinée ! Notre pays, comme la plupart des autres Etats africains actuels, n’est que le résultat d’un découpage colonial ne datant pas de plus de 120 ans, à côté de l’histoire de l’Afrique qui en a au moins 10 000 ! Pourquoi ne pas avoir parlé de langues africaines ? L’usage et le renforcement du contenu scientifique de nos langues s’impose mais pour cela, il faut s’appuyer sur la coopération régionale et l’Alphabet International de Transcription des Langues Africaines qui a fait ses preuves.
Une nation ne peut s’arrêter aux mots et ne peut pas se décréter. Elle doit se construire dans les faits, dans tous les domaines de la vie et surtout dans les cœurs.
- La Commission Nationale d’Instruction Civique et des Droits de l’Homme (Articles 177 à 179)
L’ancienne Institution nationale indépendante des droits humains dans la Constitution de 2010 est remplacée par une Commission Nationale d’Instruction Civique et des Droits de l’Homme.
La grande nouveauté est l’insistance sur ce qui est présenté comme une éducation civique et citoyenne, la vulgarisation de la Constitution, etc.
Or nous savons tous le rôle joué dans l’imposition de l’acceptation de la dictature du Parti-Etat sous le PDG, avec les cours obligatoires d’idéologie, le bourrage des crânes et le lavage de cerveau d’un autre âge. On se souviendra longtemps de l’obligation faites aux enfants d’apprendre par cœur les écrits du dictateur, alors que l’auteur lui-même n’y croyait pas.
L’enseignement étant obligatoire jusqu’à 16 ans, pourquoi ne pas s’en tenir aux cours d’éducation civique ? Cette approche est une négation du pluralisme démocratique et une promotion de la pensée unique.
- Les collectivités décentralisées (Articles 187 à 190)
L’organisation territoriale, subit des modifications placées sous le signe de la plus grande confusion. Ainsi, on nous parle désormais de « provinces » sans préciser le contenu, les limites, les caractéristiques.
On nous parle aussi de « Régions naturelles » sans nous dire ce qu’elles représentent. On imagine bien qu’avec un tel texte, avec la future majorité automatique que le pouvoir veut se donner les moyens de fabriquer, nous allons certainement assister à des diktats sur la définition de région naturelle. Pourtant, personne aujourd’hui de censé ne peut contester l’existence de 4 régions naturelles en Guinée : La Basse Guinée, la Moyenne Guinée, la Haute Guinée et la Guinée du Sud-Est. Les cartes de 1958 sont là. Mais nous savons pourquoi et comment le dictateur Sékou Touré avait dépecé le territoire. A-t-on besoin d’une « loi » pour reconnaître cette réalité historique de 4 régions naturelles ? Qui peut nier que le vote de l’électorat guinéen est communautaire à 97% ? Nous avons encore du chemin à faire avant de parler sérieusement d’une nation guinéenne ! Qui trompe-t-on ?
Mais il est clair que cette disposition de Collectivités décentralisées permet d’évacuer maladroitement, les propositions très réalistes, précises et structurées que nous avons faites pour une Régionalisation avancée et dont la junte et ses supporters ne veulent absolument pas entendre parler. C’est pourtant la seule solution permettant à notre pays de sortir du communautarisme qui domine la vie politique depuis l’indépendance et qui est responsable de son retard actuel dans tous les domaines. L’aboutissement de la Régionalisation avancée dans les micro-Etats actuels, moribonds et sans avenir, sera la constitution d’un véritable Etat Fédéral en Afrique.
- Les Autorités administratives indépendantes (Article 184)
L’Avant-Projet de Constitution dit : « Les Autorités administratives indépendantes sont des Institutions de l’Etat investies d’une mission de protection des droits fondamentaux et de régulation économique des secteurs considérés comme essentiels et pour lesquels, le Gouvernement n’envisage pas d’intervenir directement. »
Voilà une parfaite illustration de ce qui caractérise le texte en revue : le flou, l’imprécision, la volonté de créer à tout va des institutions supplémentaires coûteuses et parfaitement inutiles, comme pour élargir la bouffe, dans un pays déjà ruiné.
V. DISPOSITIONS ANTERIEURES POSITIVES ENTERREES PAR L’AVANT PROJET
A l’examen de l’Avant-Projet de Constitution, il est frappant de constater qu’un grand bond en arrière a été fait, par l’annihilation de dispositions antérieures positives et même progressistes, contenues dans la Loi Fondamentale de 1990 et la Constitution de 2010. La porte est ainsi largement ouverte à la pérennisation de la dictature, de l’enrichissement illicite, de la corruption, des élections non équitables permettant de fabriquer en toute légalité de fausses majorités dans les assemblées, etc.
Voyons quels sont les différentes dispositions en cause.
- La déclaration des biens (Articles 60 et 61)
Avec beaucoup de difficultés et de sourdes oppositions à l’époque au CNT, les membres de la Commission de rédaction de la Constitution de 2010 avaient réussi à introduire cette réforme fondamentale dans notre univers politique gangréné par un enrichissement illicite généralisé, restant impuni. La corruption et le détournement des biens publics par les élites dirigeantes et la bureaucratie étaient presque érigés en culture. Prenant les exemples les plus positifs, venant d’ailleurs en Afrique, nos braves législateurs de l’époque avaient bien compris l’impérieuse nécessité de sortir de cette catastrophe, afin de préserver la richesse publique qui doit être bien gérée par des acteurs à tous les niveaux et soumis au contrôle du peuple. Nous en profitons pour rendre un hommage mérité à notre camarade Abdoulaye Juntu DIALLO, membre fondateur de l’UFD, un des acteurs de cette avancée exceptionnelle vers la gestion transparente et contrôlée du bien public.
- Rappel des dispositions énoncées par la Constitution de 2010
Voyons pour rappel le texte de 2010 :
« Article 36.
Après la cérémonie d’investiture et à la fin de son mandat, dans un délai de quarante-huit (48) heures, le président de la République remet solennellement au président de la Cour constitutionnelle la déclaration écrite sur l’honneur de ses biens. Les ministres avant leur entrée en fonction et à la fin de celle-ci déposent à la Cour constitutionnelle la déclaration sur l’honneur de leurs biens
La déclaration initiale et celle de la fin de mandat ou des fonctions sont publiées au Journal officiel.
La copie de la déclaration du président de la République et des membres du Gouvernement est communiquée à la Cour des comptes et aux services fiscaux.
Les écarts entre la déclaration initiale et celle de la fin de mandat ou des fonctions doivent être dûment justifiés.
Les dispositions du présent article s’appliquent au président de l’Assemblée nationale, aux premiers responsables des Institutions constitutionnelles, au gouverneur de la Banque centrale et aux responsables des régies financières de l’État ».
Malheureusement, après son élection en 2010, le Président Alfa Kondé et toute son équipe, personne n’avait respecté ces dispositions. Ce manquement grave et persistant à la Constitution sur laquelle il a prêté serment, a été l’un de nos points de divergence, tout au long de son mandat. On entendait parler de x ou y de son gouvernement qui avait fait sa déclaration. Mais jamais ces déclarations n’ont été publiées au Journal Officiel, comme le stipule clairement le texte.
Heureusement qu’en 2020, à la fin de son deuxième mandat, le Président Alfa Kondé avait signé le 30 mars 2020, le Décret D/2020/072/PRG/SG portant application de la disposition constitutionnelle de la déclaration de biens et de patrimoine. Ce texte il faut le dire, était très complet, bien conçu, bien rédigé et pouvait certainement servir de base pour respecter la lettre et l’esprit de la Constitution. Mais là aussi et comme par le passé, aucune mise en exécution ne s’en est suivie, jusqu’à son renversement par le coup d’Etat du 5 septembre 2021.
Il est donc important de souligner que la publication au Journal Officiel, pour que nul n’en ignore, est un acte de foi, une volonté de transparence de la part de son auteur.
Pour rappel, le candidat de l’UFD aux élections présidentielles de 2010, Mamadou BAH Baadiko, avait fait sa déclaration de patrimoine au Conseil Constitutionnel, quand bien même cette obligation n’était pas prévue pour les candidats. On n’en a jamais eu de nouvelles…
- Les dispositions de l’Avant-Projet de Constitution
L’Avant-Projet quant à lui a repris très partiellement le texte antérieur. Le nouveau texte a introduit la déclaration des biens au niveau des candidats aux élections présidentielles et pas seulement après avoir été élus.
Que dit l’Avant-Projet ?
- En page 11, sur les conditions requises pour être candidat à la présidence, il est prévu que les candidats doivent joindre une copie authentique, de la déclaration sur l’honneur de leurs biens. La même déclaration est prescrite en fin de mandat. En page 19, il est dit que la Cour des Comptes est chargée de contrôler les déclarations de biens reçues par la Cour constitutionnelle, « dans les conditions déterminées aux articles 60 et 61 ».
La comparaison entre l’ancien texte de 2010 et l’Avant-Projet est très vite faite :
- Seul désormais le chef de l’Etat est concerné
Nous sommes donc en plein subterfuge, pour faire diversion. On fait semblant de maintenir un texte, mais en le vidant soigneusement de son contenu.
La triste et cruelle vérité, est que tout le personnel politique guinéen, toute la bourgeoisie politico-militaro-bureaucratique et tout l’establishment en général, sont viscéralement opposés à la déclaration des biens par les dirigeants. Nous en savons quelque chose depuis Ouagadougou 2009…
Dès la publication de la Charte de la Transition en septembre 2021, nous avions noté l’absence de cette disposition fondamentale dans le texte. Malgré toutes les interpellations, le CNRD est resté et restera sourd aux appels en ce sens. Même un ancien Premier ministre a eu l’outrecuidance et même l’insolence de déclarer « qu’il n’était pas au courant de l’existence d’un tel texte ! » Le CNRD et ses serviteurs ont donc la garantie qu’ils peuvent continuer leur besogne en toute impunité, tant que durera la fameuse Transition…
Faut-il rappeler que la publication au Journal Officiel, la mise à la disposition du public, des citoyens et de toute personne intéressée, est une disposition appliquée dans tous les pays où cette formalité est requise ? Sans cet acte de transparence, on sera toujours entre « gens bien » qui se tiennent par la barbichette. Et notre peuple va continuer à souffrir de ses élites parasitaires et prédatrices. Au lieu d’étendre la déclaration à tous les élus, les gestionnaires de la fortune publique et ceux qui occupent de hautes fonctions, on fait semblant de faire déclarer ses biens au chef.
Sans la publication au Journal Officiel, la déclaration des biens est nulle et de nul effet. Avec l’expérience du passé, la Constitution devrait prévoir des sanctions à l’encontre des contrevenants. Sinon, qui trompe-t-on ?
Dernière minute – Constitution – Version 2 – Nous lisons :
Le Premier ministre dépose à la Cour constitutionnelle, dans un délai n’excédant pas dix (10) jours, à compter de sa prise de fonction, la déclaration écrite, sur l’honneur, de ses biens. Il dépose à la Cour constitutionnelle, dans un délai n’excédant pas dix (10) jours, compter de la cessation de ses fonctions, la déclaration écrite, sur l’honneur, de ses biens. Les dispositions des alinéas 4 et 5 du présent article s’appliquent aux membres du Gouvernement, aux Présidents des Institutions de la République, au Gouverneur et aux Vice-gouverneurs de la Banque centrale, aux premiers responsables des corps de contrôle de l’Etat, aux directeurs des régies financières de l’Etat et aux hauts responsables des forces de défense et de sécurité.
A la bonne heure dirions-nous ! La déclaration des biens est étendue à pratiquement tous les gestionnaires ou décideurs en matière de fortune publique. Il ne manquerait à cette belle liste que les élus locaux membres des exécutifs municipaux ou communaux. Cette fois-ci, même les hauts responsables des forces de sécurité sont astreints à la déclaration des biens.
La seule chose qui nous empêche d’applaudir à ce rattrapage, est que nous ne pouvons pas oublier dans quel système nous sommes : un Etat de non-droit où certains membres des forces de défense et de sécurité sont au-dessus de la loi. On se souvient encore de la fameuse évaluation des ministres qui, comme par hasard ne concernait pas ceux-là. Pauvre Guinée !
- L’Organe Technique Indépendant en charge de la Gestion des Elections (Articles 180 et181)
Le texte est pratiquement le même que celui de l’ancienne CENI. Mais cette fois-ci, les partis politiques en sont exclus. Le fait qu’il n’existe aucun organe paritaire de contrôle de cette institution de gestion des élections, fait craindre à juste titre son inféodation totale au ministère chargé de l’administration territoriale. La loi organique dont ont dit qu’elle va fixer la composition et les règles de fonctionnement sera votée par une Assemblée fabriquée sur mesure, comme on le verra. Avec ce nouvel organe et dans ce contexte, la Guinée s’éloignera encore plus des élections libres, honnêtes et transparentes, indispensables pour mettre le pays sur la voie de la paix, de la concorde et du progrès.
Le nouveau système électoral (Article 106)
On peut dire que cette partie constitue le plus gros coup de Jarnac contenu dans la nouvelle constitution.
Dans la Constitution de 2010 qui, pour l’instant, est notre référence, nous avons :
Article 63.
Le tiers des députés est élu au scrutin uninominal à un tour. Une loi organique fixe les circonscriptions électorales.
Les deux tiers des députés sont élus au scrutin de liste nationale, à la représentation proportionnelle. Les sièges non attribués au quotient national sont répartis au plus fort reste.
Article 64.
Une loi organique fixe le nombre de députés et le montant de leur indemnité.
Elle détermine également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacances, le remplacement de députés jusqu’au renouvellement général de l’Assemblée nationale.
Dans l’Avant-Projet de Constitution, nous avons en page 14 :
2. Mode de scrutin
…L’élection d’un tiers (1/3) des Députés a lieu au scrutin de liste nationale à la représentation proportionnelle.
Les sièges non attribués au quotient électoral sont répartis à la plus forte moyenne au, profit des candidatures des femmes ou des personnes en situation de handicap.
Les deux tiers (2/3) des Députés sont élus au scrutin uninominal à un tour.
La définition des circonscriptions électorales obéit au principe d’égalité des citoyens dans les modalités d’expression du suffrage.
Un non-initié peut difficilement comprendre à priori, la signification de cette inversion de la quotité de chaque mode de scrutin dans la désignation des députés de l’Assemblée législative. Dans le système de la Constitution de 2010, il y avait un équilibre presque parfait entre les deux modes de scrutin, la proportionnelle et l’uninominal à un seul tour. La représentation territoriale, selon les circonscriptions administratives traitées à égalité pour un tiers des députés, était complétée par la représentation proportionnelle, avec un homme ou une femme, une voix. Dans ce système très avancé mis au point par la Loi Fondamentale, il n’y avait aucune possibilité d’exclure mécaniquement des minorités nationales ou politiques.
A présent, il suffit, comme par le passé, de s’organiser pour fabriquer des recensements électoraux sur mesure, pour décréter ensuite que telle préfecture est dix fois plus importante que telle autre. Or, nous savons tous comment la CENI aux ordres procédait pour gonfler les chiffres dans certains cas et pour minimiser les inscrits dans d’autres cas, censés être des fiefs de l’opposition. Dans le premier cas, on inscrit même des enfants de 10 ans et des Africains non-Guinéens, etc. Dans le second cas, on fait traîner au maximum les opérations dont la durée est strictement limitée. Par ici, les machines, comme par hasard, sont continuellement en panne, quand ce ne sont pas les débrayages des opérateurs pour de prétendues primes non payées, etc. Sans compter l’exclusion de fait des Guinéens de l’étranger dont moins de 5% des ayants-droits parviennent péniblement à s’inscrire. Et le tour est joué ! On pourra alors clamer innocemment : « Comment voulez-vous attribuer le même nombre de députés uninominaux à une préfecture qui a 10 fois plus d’électeurs qu’une autre, ce n’est pas normal, c’est injuste, c’est anti-démocratique ? ». Avec le savant découpage électoral programmé et un organe faussement indépendant de la gestion des élections, le tour est joué ! On peut se fabriquer sur mesure une assemblée avec la majorité des deux tiers, sans avoir besoin de trop tricher aux urnes, en dehors de se donner 98%, votant pour les enfants, de faire voter les morts et les absentéistes…Le nettoyage facile des listes électorales dans certaines zones, grâce aux noms patronymiques très limités dans une région, fera, le reste. Et nous savons que ce projet était depuis longtemps dans les tiroirs du ministère chargé de l’administration du territoire. Qui trompe-t-on ?
L’inconvénient du système proportionnel dominant dans un pays qui est loin d’être une nation, malgré tout ce qu’on peut clamer, c’est la dictature de la majorité sur les minorités. L’inconvénient du système uninominal à un tour dominant (comme ce qu’on nous prépare) c’est son caractère anti-démocratique, dans la mesure où on pourrait très facilement avoir des partis très minoritaires qui raflent tout ! Exemple : dans une circonscription uninominale, on a 4 candidats à la députation. Un des partis est arrivé en tête du scrutin, avec seulement 30% des voix et c’est lui qui l’emporte ! La minorité va ainsi s’imposer à la grande majorité, et ce sera légal. C’est ce même système que le PUP avait utilisé en 2005 pour contrôler pratiquement toutes les mairies du pays !
- Age minimum pour la députation
Dans les deux versions, l’âge minimum a été ramené à 21 ans, contre 25 ans dans la Constitution de 2010. Dans ce choix très démagogique, les auteurs du texte n’ont tenu aucun compte du sérieux et de la maturité, indispensables pour être bon un législateur. Comme il n’y a jamais rien de fait au hasard, nous sommes en droit de nous demander si encore une fois, ce texte ne cible pas des personnes en particulier. Qui sait ?
CONCLUSION
Voilà ce qu’est l’Avant-Projet de Constitution qu’on veut imposer à la Guinée. Ce projet cynique est inacceptable, car porteur d’injustices, d’exclusion, base d’un système dictatorial bien connu, voué à la faillite comme ses prédécesseurs. Sans des reformes hardies, même les milliards de dollars impatiemment attendus du Simandou, n’y changeront rien.
La sortie définitive de la Guinée de ce cycle interminable de la misère et de décadence, passe par la prise de conscience de tout le peuple de la gravité des maux qui minent la société guinéenne.
Si c’est un civil qui vient au pouvoir, nous lui conseillerons de mobiliser tout le peuple, dans la fraternité, le respect des droits de tous, pour reformer en profondeur la Constitution de 2010, en intégrant tous les points positifs tirés des expériences du passé, avec plusieurs objectifs :
- Mettre en place un cadre institutionnel basé sur la Régionalisation avancée et l’unité du pays ;
- Réduire les pouvoirs illimités de l’exécutif et ses possibilités de fabriquer une majorité législative artificielle à sa dévotion. Il faudra également encadrer solidement l’activité des autres institutions ;
- Réduire drastiquement le coût énorme de l’appareil d’Etat, afin de consacrer le plus possible de moyens aux investissements prioritaires : éducation, santé, routes, infrastructures et bien-être des populations en général. Toute la conduite des affaires publiques sera basée sur l’éthique, la bonne gouvernance et la responsabilité des dirigeants.
Peut-on calculer le nombre d’écoles, avec des enseignants bien traités, le nombre de structures sanitaires efficientes, le nombre de kilomètres de bonnes routes, les infrastructures qu’on pourrait financer, avec une assemblée législative unique, à l’effectif raisonnable, sans sénat et sans compter la réduction drastique du coût de l’appareil d’Etat ?
L’heure est grave. Toute la communauté guinéenne est interpelée. A chacun de prendre ses responsabilités.
Fait à Conakry le 13 août 2024
Le Bureau Exécutif de l’UFD