Presque deux ans après avoir été condamné à 12 ans de prison pour “détournement de fonds publics” et alors qu’il est arbitrairement détenu depuis huit ans déjà, l’ancien directeur général de la radiotélévision publique camerounaise, Amadou Vamoulké, vient d’être condamné à 20 ans de prison pour une affaire similaire. Reporters sans frontières (RSF) s’indigne de cette nouvelle condamnation grotesque élevant à 32 ans sa peine, et appelle les autorités à libérer immédiatement le journaliste à l’état de santé préoccupant.
« Rien de ce que j’ai vécu, vu et entendu ne m’autorise à espérer un jugement conforme à la réalité et la vérité ». Dans son discours prononcé le 13 août dernier devant le Tribunal criminel spécial (TCS) au terme de son procès pour “détournement de fonds publics”, Amadou Vamoulké attendait peu de choses de la justice camerounaise, et il avait raison. Le 28 août, l’ancien directeur général de la Radiotélévision publique camerounaise (CRTV) de 2005 à 2016 a finalement été condamné à 20 ans de prison ferme après 178 renvois successifs – un triste record du monde.
« Cette condamnation grotesque parachève un acharnement judiciaire qui dure depuis maintenant huit ans à l’encontre d’un journaliste reconnu pour sa rigueur et son intégrité. Tout pose problème dans cette affaire : sur le fond, il existe des preuves attestant de l’innocence d’Amadou Vamoulké ; sur la forme, les deux jugements ont été rendus de manière illégale au regard de la loi camerounaise. Comment peut-on condamner un journaliste à 32 ans de prison au total, le tout sur la base d’accusations sans fondement et sans preuve tangible ? Les autorités doivent impérativement agir et libérer ce journaliste qui souffre de plusieurs problèmes de santé », Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
Le journaliste, reconnu par ses pairs pour son intégrité, est derrière les barreaux depuis son arrestation le 29 juillet 2016. En décembre 2022, Amadou Vamoulké a déjà été condamné à 12 ans de détention après avoir été reconnu coupable de “détournement de fonds publics”, et notamment d’avoir perçu illégalement des frais de congés à hauteur de 16 millions de francs CFA (environ 24.300 euros) et d’avoir versé, sans autorisation du conseil d’administration, des compléments de salaire au personnel du ministère des Finances affecté à la CRTV. Avec cette deuxième affaire, la peine du journaliste s’élève donc à 32 ans de prison. Les avocats d’Amadou Vamoulké ont fait appel de cette décision dès le 28 août auprès de la cour suprême.
Alain Massé, ancien directeur général de Radio France et coordonnateur du Comité international pour la réhabilitation et la libération d’Amadou Vamoulké, qualifie cette décision de “redoutable, redoutée, que l’on attendait clairement”. Selon lui, “l’emprisonnement de Vamoulké est le résultat de son intégrité”. Celui qu’il appelle le “Monsieur Propre des médias publics” a en effet réduit son salaire et ses avantages sociaux lorsqu’il a rejoint la CRTV. Le Comité a décidé de lancer une cagnotte pour le soutenir.
Âgé de 74 ans, le journaliste souffre d’une neuropathie “sévère” attestée par deux neurologues et de cinq autres pathologies nécessitant des soins médicaux difficiles à réunir sur place. Dès 2020, l’ONU avait demandé sa libération et un groupe d’experts s’était dit “profondément préoccupé” par la “gravité de l’état” du journaliste.
Le Cameroun, un des pays les plus dangereux pour les journalistes, occupe la 130e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.
Reporters sans frontières