C’est le projet que toute la Guinée attend : l’exploitation des gisements de fer sur la montagne de Simandou à l’est du pays qui doit faire décoller l’économie guinéenne et permettre un bond en avant en matière de développement. Ce jeudi, le conseil d’administration trimestriel du projet se réunit à Conakry avec les différents acteurs impliqués, les sociétés minières chinoises et australiennes (Winning Consortium et Rio Tinto) notamment. Les travaux d’infrastructures avancent, le début de l’exploitation de la mine est prévu d’ici à la fin de l’année 2025.
Les rails sont désormais visibles dans la préfecture de Forécariah au sud du pays. En tout, ce sont 650 km de chemin de fer qui relieront la mine de fer de Simandou au port de Moribayah également en construction au sud de Conakry.
Les espoirs sont immenses. Dans la capitale le nom de Simandou est sur toutes les affiches, accolé au visage du président de la transition Mamadi Doumbouya – Communication à tout crin de la part des autorités pour un projet gigantesque autour de 15 milliards de dollars d’investissement amenés en grande majorité par des mastodontes chinois.
Le fer sera pour la Guinée ce que le pétrole est pour les pays du golfe arabique, veulent croire les autorités. Elles prévoient à terme un doublement du PIB grâce, entre autres à des retombées fiscales estimées, faute de chiffre officiel, à 600 millions de dollars par an.
Manque de transparence
En Guinée, beaucoup pointent le manque de transparence de l’opération. Les conventions minières signées par les sociétés et l’État n’ont toujours pas été publiées contrairement à ce qui est prévu dans le Code minier. L’autre inquiétude concerne les 40 à 50 000 emplois créés grâce à la phase de travaux. Des licenciements massifs au second semestre 2025 seront irrémédiables, indiquent certaines sources minières.
Mohamed Camara (Mocam Consulting)
« Comme on est en phase de construction du projet, l’impact avec les entreprises locales reste limité. Parce que pour la construction des chemins de fer, il faut des entreprises guinéennes spécialisées dans cet ouvrage et des entreprises guinéennes spécialisées dans la construction des ports, elles ne sont pas nombreuses. Donc les entreprises guinéennes ont eu quelques marchés, mais qui restent limités par rapport au volume des investissements faits.
Rfi : L’autre grand défi, c’est l’emploi. Aujourd’hui, l’emploi pour les Guinéens, il est haut niveau ?
Mohamed Camara : Le secteur minier est un secteur hautement capitalistique. Il y a plus de machines, de technologies que de main-d’œuvre. Donc dire que ça va employer beaucoup de Guinéens, ça, ça reste très limité. En phase de construction, on peut aller jusqu’à 50 000 emplois, mais en phase d’exploitation, ce sera moins que cela. Par contre, indirectement et par le bienfait des rails, on peut développer des activités économiques connexes qui, elles, vont générer de l’emploi, permettant ainsi de bénéficier de retombées du projet.
Ce sera par exemple en matière de chaînes de valeurs agricoles, le long du corridor, l’igname de Kankan, la banane de la Guinée-Forestière, l’huile de palme. Donc l’ensemble de cela peut quand même donner une certaine économie.
Il y a un immense flou sur les retombées réelles pour les Guinéens. On en parle depuis tellement longtemps. Est-ce que cette fois, c’est la bonne ?
Nous osons espérer que ce sera la bonne cette fois. En fait, pour un projet minier, l’important, c’est qu’est-ce qu’on en tire comme fiscalité ? Quels sont les impôts et taxes que ce projet va payer à l’État ? Pour le moment, en attendant que les contrats soient révélés, nous ne connaissons pas cela.
Pour modéliser un tout petit peu, aujourd’hui la Guinée gagne 600 à 700 millions de dollars dans les mines, hors projet Simandou. Au minimum, on s’attend à un truc comme cela. Donc c’est ce qui fait que les recettes publiques doublent.
On va attendre que les autorités communiquent sur le document. On pourra alors analyser sereinement ce que cela peut donner, ce qu’on peut y attendre. Mais attention, il ne faudrait pas que la Guinée pense que ce projet va être le Graal, qu’il va tout résoudre. »