Dans la matinée du 3 avril, des nounous du quartier Dar-Es-Salam 2, dans la commune de Gbessia, ont protesté contre la fumée se dégageant de la décharge du coin. Elles dénoncent le silence des autorités face à ce problème qui, selon elles, « est un danger pour la santé des riverains ». Dans un appel fort, ces nounous demandent au général Mamadi Doum-bouillant de prendre la situation à bras-le-corps, afin de délocaliser la décharge, au cœur de Cona-cris. Sur leurs pancartes, on pouvait lire : « Nous ne pouvons plus avec la fumée, y en a marre, le président Doumbouya doit nous aider ».

Elles ont passé leurs messages durant des heures, sans incident. « Nous manifestons contre la fumée du dépotoir d’ordures. Nous lançons un appel au Général Mamadi Doumbouya de nous venir en aide. Il est le père de la nation. La population de Dar-Es-Salam souffre non seulement de la fumée, mais aussi des explosions. Récemment, une grenade a explosé chez l’un de nos voisins, et il a perdu un enfant. C’est pourquoi nous sommes sorties. On en a marre. Nous avons passé le Ramadan dans de très mauvaises conditions. Nos enfants ne peuvent plus tenir. Notre premier imam est même hospitalisé à cause de cette fumée qui nous tue. S’ils ne peuvent pas enlever ce dépotoir, qu’ils éteignent au moins le feu. Ça nous tue à petit feu », a lancé Fofana Nana Rachel, une riveraine.

Même son de cloche chez Diariatou Barry, riveraine de la décharge depuis 5ans. «Nos enfants, nos maris et nous, souffrons tous de maladies pulmonaires, à cause de cette fumée que nous respirons. C’est la pauvreté et la cherté du loyer qui ont fait que nous sommes là jusqu’à présent. Si j’étais concessionnaire, jamais je n’achèterais un terrain près d’un danger comme cette décharge. Personne n’aimerait habiter ici, mais certains facteurs nous obligent à cohabiter avec ces ordures. Mains sur le dos, je demande au Président de nous débarrasser de cette décharge», lance-t-elle.

Le prési du conseil du quartier, Dr Cissé Mohamed Lamine, s’est précipité sur les lieux, dès qu’il a été informé de la manif. « Ces femmes ne réclamaient rien d’autre que l’arrêt définitif de cette pollution environnementale que nous subissons dans notre quartier. Elles étaient en colère contre ceux qui transportent les ordures, mais dès que je suis arrivé, j’ai pu les maîtriser et elles sont rentrées chez elles, avant même l’arrivée des gendarmes », s’est-il  confié le 4 avril à son domicile de Dar-Es-Salam 2

Précisons que les manifestantes lui ont chargé de jouer la médiation pour une sortie de crise. « En tant que messager vers le gouvernement, à mon tour, j’ai rencontré les représentants de l’ANSP et d’autres sociétés qui gèrent la décharge pour leur dire d’arrêter de déverser les déchets mouillés sur le feu. Parce que selon les femmes, c’est la cause de la fumée. A leur tour, ils ont promis de trouver une solution au plus vite ».

Au bout de 72 heures, les manifestantes promettent de remettre, si aucune solution n’est trouvée. « Je leur ai dit que 72h ne suffiraient pas pour ces démarches. Elles nous ont donné un délai qui court jusqu’au 10 avril. Si une solution n’est pas trouvée, elles promettent de sortir et cette fois, pour bloquer la Transversale numéro 1…»

Pollution rime avec manque d’eau

En plus de la fumée qui pollue leur environnement, ces nounous dénoncent un manque criard d’eau potable dans la zone depuis des années. « Nous n’avons pas d’eau potable. C’est quelques riverains qui ont eu l’amabilité de creuser des fourrages qui nous aliment en eau, ce qui nous soulage un peu. Avant, on partait jusque derrière les rails pour puiser de l’eau. Non seulement c’est distant, mais c’est aussi très fatigant », regrette-t-il. En tant qu’élu local, Dr Cissé alerte : « Souvent, nous demandons à l’État de nous aider à avoir des fourrages publics, des fontaines, pour satisfaire les citoyens de Dar-Es-Salaam, jusque-là rien du tout. Dar-Es-Salam est abandonné à son sort, nous n’avons rien comme infrastructures. Certes c’est un quartier enclavé, voire très enclavé à cause de la décharge, mais que l’Etat pense un peu à nous aussi ».

Dr Mohamed Lamine Cissé

Imam étouffé, évacué d’urgence

Un imam de la mosquée de Dar-Es-Salam aurait fait une crise avant la manif des nounous.  Il est hospitalisé. Dr Cissé clarifie : « Notre premier imam a fait une crise cardiaque il y a trois jours. Une ambulance est venue le transporter d’urgence à l’hôpital. C’est la fumée de la décharge qui l’a étouffé, parce que sa concession fait face à la décharge. Certes, il souffre d’une pathologie cardiaque connue, mais la fumée qu’il respire chaque jour ici a aggravé son cas. D’ailleurs, c’est ce qui a poussé les femmes dans la rue. De tels cas sont fréquents ici : les enfants, les mamans ou les maris, sont souvent malades », regrette le chef du quartier.

Selon lui, le général Doumbouya doit prendre ce cas au sérieux. « Je lance un appel à l’endroit du président de la République, pour aider Dar-Es-Salam à se débarrasser de cette décharge. Je ne suis pas sûr qu’il soit édifié de cette situation. Normalement, quand ce genre de situation se pose, le ministre de la Santé, le ministre de l’Environnement, même le gouvernement, le Premier ministre, devraient se déplacer, pour venir s’enquérir des réalités. La fumée se propage jusqu’à l’aéroport. Donc, seul lui peut nous débarrasser de ce danger permanant », a conclu le prési du conseil du quartier. Sûr que le message parviendra au Gêné-râle Mamadi Doum-bouillant.

Kadiatou Diallo