Le 21 avril matin. La nouvelle tombe comme une hostie mal mâchée : le Pape François est mort ! Paix à son âme. Et pendant qu’à Rome on agite l’encens et les cloches, ici, chez nous, on pleure comme si c’était notre grand-père qui faisait le dernier voyage. Par Toutatis !

Mais, quelle relation mystique on avait avec lui ? Il nous a déjà envoyés du riz ? Il a déjà réglé nos factures salées ? Il n’a jamais mis les pieds à Kankan, hein !

Pendant que certains préparent la fumée blanche, chez nous, c’est la fumée noire du charbon qui continue de cuire les ignames de la galère. On Chen fout !

Et puis, affaire de succession, l’Afrique, comme toujours, est là en décoration. Pourtant, il y a un certain cardinal noir, plus savant que Saint Augustin, mais non, les gens de Rome préfèrent un Européen qui tousse en latin qu’un Africain qui prêche la sagesse. À fakoudou !

Mais bon… les Guinéens aiment trop les choses qui brillent loin. Ils pleurent François, et oublient de bénir leur propre foi dans l’eau du robinet. Amen.

À l’université, le savoir est en grève. Dans les foyers, on soigne les malades avec des feuilles de goyave. Et à la faim du mois, le fonctionnaire guinéen regarde son salaire comme on scrute un mirage dans le désert.

On Chen fout de nos problèmes, pourvu qu’on chante le développement à la télé. On a des routes qui font le trottoir, des écoles qui alphabétisent des futurs chômeurs, et des jeunes qui fuient le pays plus vite que l’argent du contribuable. À fakoudou !

Trois cents Guinéens bloqués à la frontière sénégalo-mauritanienne. Non pas pour un match du Syli, ni pour un pèlerinage mystique, mais pour un simple retour à la maison. Les pauvres ! Ils ont juste fui la galère d’ici pour aller découvrir… la galère d’ailleurs. Et maintenant, c’est la double galère : importée et exportée. Hé Kéla !

Ils sont là, coincés entre deux pays, sans abri, sans sous, sans papiers. Mais avec quoi ? Avec la nationalité guinéenne bien sûr, ce ticket qui t’ouvre toutes les frontières… de la misère !

Les autorités ? Silence radio. On dirait que les 300 ont été mis sur « mode avion ». Le plus drôle ? C’est qu’en Mauritanie on les appelle « clandestins », en Guinée on les appelle « aventuriers » et à l’aéroport on les appelle jamais. Alléluia !

Finalement, ce n’est peut-être pas eux les fous. C’est nous qui restons ici, assis, à regarder les pirogues partir, avec un sachet d’eau à la main, et l’espoir en solde. À fakoudou !

Mais bon, restons positifs : grâce à cette aventure, ils sauront désormais que la frontière entre l’eldorado et le désespoir tient souvent dans une simple barrière rouillée, un matelas en carton et beaucoup de silence officiel. Alléluia !

Mais on garde la foi ! Parce qu’ici, la galère est une tradition. Elle a ses adeptes, ses imams, ses prêtres, ses féticheurs, et même ses influenceurs TikTok. Vive la République du système D : débrouille, douleur et désillusion !

Et puis, l’autre jour, au détour d’un maquis, j’écoute distraitement un remix d’Ibro Diabaté, quand un colonel m’approche :

–Petit journaleux, je serai nommé bientôt. Mais je sais pas encore sur quel livre je vais jurer… Le Coran ? La Bible ? Je lui dis :

–Wallahi, laisse les livres saints. Pose plutôt ta main sur « Mamadou et Bineta sont devenus grands ». Un monument d’éducation, un vaccin contre l’ignorance. Et en plus, pas besoin de le lire, y’a les dessins !

Wallahi, en Guinée, il faut être en titane pour naître femme. Dès qu’elle ouvre les yeux, la fillette entre en zone de turbulence. Et quand elle devient femme, ce n’est pas la liberté qu’elle découvre… c’est le ring ! À fakoudou !

À la maison, c’est « Boxe FM » tous les soirs. Et dehors ? C’est la jungle ! Même les lampadaires ferment les yeux. À Kipé, des femmes — oui, des prostituées, mais des femmes quand même ! — ont été rouées de coups comme si elles étaient à la base de tous nos malheurs. Une bande de moralistes musclés, armés de ceintures, de gourdins et de versets hors contexte, est venue leur administrer une correction divine… mais sans Dieu. À Fakoudou !

Eh oui, mes amis ! En Guinée, la femme est sacrée… mais seulement dans les proverbes. Nos réseaux sociaux sont devenus des cimetières numériques où l’on enterre les cris, les SOS et les avis de recherche.

Durant les quatre décennies, la Guinée a goûté à 30 ans de régime militaire. Résultat ? Elle n’a même pas réussi à enfiler les chaussettes du progrès. Wallahi, c’est comme si on confiait un salon de coiffure à un chauve. Les militaires ont tout tenté, sauf le développement. Le pays est resté en mode « brouillon permanent ».

Et pourtant, à chaque nouvelle prise de pouvoir, on danse. Des décennies de parade, pas un pas vers l’avant. À fakoudou, on tourne en rond, et on chen fout avec discipline !

Mes amis, si vous voyez un nouveau billet de 20 000, priez pour lui. Il traverse des zones de turbulence. Et si vous tombez sur un mouvement de soutien, offrez-leur un dictionnaire. Juste pour qu’ils apprennent le vrai sens du mot « transition ». À Fakoudou !

Sambégou Diallo

Billet

Un chat m’a (rat)conté

Le Général, beau comme une promesse,

Brillant comme un soleil,

Silencieux comme une énigme.

Son sourire ? Une bénédiction nationale…

Mais hélas, toujours en mode avion.

SD