Hassatou Lamarana Bah, journaliste, féministe est aussi auteure. Elle a publié trois ouvrages chez « Les plumes inspirées », intitulés : « Le Quotidien des femmes en République de Guinée ; Les Vertus de la patience et Le Destin décalé. » Nous l’avons rencontrée pour parler de sa venue en littérature, des thèmes qu’elle aborde dans ses ouvrages ainsi que de sa carrière de journaliste engagée et de bien d’autres choses. L’interview.

La Lance : Vous êtes à la fois journaliste et féministe. Vous avez écrit au moins deux livres. Comment êtes-vous devenue écrivaine ?

Hassatou Lamarana Bah : Effectivement, à date j’ai trois ouvrages. Jaime lire et écrire, mais avant, je l’avoue, je n’avais pas l’idée d’écrire. Tout est parti de mes articles de presse que je publis sur mon site actualitéfeminine.com. Ce que lisait la maison d’édition « Universitaire Européenne », basée en Allemagne lisait. Elle m’a ensuite contactée pour me demander si je n’avais pas une idée d’écriture. Le déclic est parti de là, c’était en 2019. Du coup, j’ai publié le recueil « Le quotidien des femmes en République de Guinée ». Ce recueil était en ligne sur « Amazone ». Mais comme en Guinée on a un problème de livres électroniques, j’ai jugé nécessaire de le rééditer, cette fois-ci, au niveau local. D’où la double dédicace du 24 mai dernier, pour sa réédition et la parution de mon troisième ouvrage intitulé : « Les vertus de la patience ».

Qu’abordez-vous dans vos livres ? Les thèmes sont-ils exclusivement liés aux femmes ?

Dans mes livres, j’aborde tous les sujets parlant de la couche féminine. Dans « Le quotidien des femmes en République de Guinée », ce sont des nouvelles tirées de mes articles de presse publiés sur le site. Ce recueil de nouvelles touche la rubrique  « Dame de fer », c’est-à-dire des femmes modèles, se démarquant dans les activités génératrices de revenus. Je parle aussi de la petite enfance, de la représentativité des femmes dans des instances de prise de décision, des activités des femmes dans les marchés, des femmes porteuses d’handicap mais qui se démarquent, des femmes pratiquant des métiers qualifiés d’hommes. En général, je touche tous les domaines dans lesquels les femmes s’investissent, à Conakry tout comme en milieu rural.

« Un destin décalé » est un roman évoquant aussi la femme, mais cette fois-ci, j’ai mis l’accent sur une jeune fille, traitée de tous les noms d’oiseau, porteuse de poisse, qui a subi plusieurs formes de violences, notamment l’excision. Elle va rencontrer toutes les difficultés du monde dans son village, et une fois dans la capitale, elle va vivre d’autres réalités. Malgré tout, elle a pu se créer son chemin, elle a travaillé dur pour être indépendante, d’où le titre « Un destin décalé ». Grâce à son courage, elle a pu changer la donne. Au fil du temps, elle devient entrepreneure, indépendante et a aussi retrouvé l’amour de sa vie. 

Dans « Un destin décalé », j’évoque aussi les problèmes des MGF (Mutilations génitales féminines), du lévirat, des violences conjugales, du veuvage et comment l’héritage est partagé entre la famille.

Dans « Les vertus de la patience », c’est aussi une jeune fille ayant tout subit, devenue grande entrepreneure, elle raconte son histoire. Le roman traite aussi des sujets d’actualités dont l’immigration clandestine, le harcèlement en milieu professionnel, l’avancée de la technique et de la technologie et enfin les aléas de cela sur la jeune fille, avec des histoires de sextape, sans oublier le mariage mixte.

Pourquoi touchez-vous exclusivement les questions liées à la gent féminine ?

Déjà tout ce que je fais concerne les femmes. De mes articles de presse, de mon site actulitefeminine, de mon féminisme, tout tourne autour des femmes. Je les côtoie, certaines viennent vers moi pour m’expliquer leurs problèmes dont j’essaye de trouver une solution. D’autres ne veulent même pas que je fasse des articles sur elles, elles ont juste besoin d’une oreille attentive. En longueur de journée, j’entends des histoires tristes et alarmantes sans parler de ce qui se passe sur la toile comme les sextapes et autres… La cause féminine, c’est mon monde, donc mon quotidien. Et tout mon combat, c’est pour le rayonnement de la femme en République de Guinée. C’est pourquoi, je continue de dénoncer ce qui ne va pas chez elles, parce que j’estime que c’est comme cela que nous Guinéennes obtiendrons gain de cause.

Comment ça se passe avec les maisons d’édition ?

Je travaille avec la maison « Les plumes inspirées ». Et notre collaboration se passe bien. Nous travaillons dans une parfaite convivialité. Même si on rencontre quelques soucis pour la lecture, dus au fait que la population guinéenne est à majorité analphabète. Toutefois, avec les moyens de bord, nous sommes en train de voir comment élargir la promotion de mes ouvrages.

Bénéficiez-vous de l’accompagnement des ministères de la Culture et de la Promotion féminine ?

Lors de ma récente double dédicace portant sur « Le quotidien des femmes en Républiques de Guinée »  et « Les vertus de la patience », j’ai bénéficié de l’accompagnement du CELPAC (Centre de lecture publique et d’animation culturelle). Le Directeur général adjoint avait même participé à la dédicace, pour rehausser le niveau. Je remercie le CELPAC qui se donne à fond pour accompagner les écrivains guinéens.

Comment conciliez-vous journalisme, défense des droits des femmes, écriture et foyer ?

En toute chose, il faut avoir un planning et se fixer des priorités. Déjà, le journalisme, on sait tous comment il se passe. Pour la défense des droits des femmes, c’est aussi de l’activisme. Si vous constatez, le fil conducteur entre mes activités, c’est la couche féminine. Qu’on parle de la défense des droits des femmes, qu’on parle de mes ouvrages, qu’on parle du journalisme, tout tourne autour de la femme. Donc je me dis que je jugule les trois en même temps, à des heures différentes. Je respecte l’éthique de chaque domaine. Par exemple, quand il s’agit d’un article de presse, je sais comment m’y prendre. Concernant aussi la plateforme où je dénonce les violences faites aux femmes, je sais comment dénoncer et amener mes lecteurs à un changement de mentalité. Il y a aussi mes ouvrages, où je me donne le champ libre de dénoncer à travers des écrits.

Comptez-vous continuer le journalisme ? Quelle relation entretenez-vous avec les autres écrivains de la Guinée ?

Oui, bien sûr. Je continue d’exercer le métier de journaliste, j’ai même mon site www.actualitefeminine.com. Le journalisme, c’est ma casquette et je ne vais pas l’ôter. À moins que j’obtienne un poste de responsabilité dans le gouvernement où dans une institution et qu’on me dise que je ne pourrais plus exercer. Et même si tel était le cas, je trouverais des remplaçants, parce que je n’abandonnerai jamais le métier de journalisme, c’est mon monde.

J’entretiens de très bonnes relations avec les autres écrivains. Pour preuve, lors de la double dédicace de mes livres, le président de l’Association des écrivains de Guinée, M. Fadama était présent. Je profite d’ailleurs de votre micro, pour le remercier, une fois encore. En plus, j’étais la responsable chargée aux relations extérieures de l’Association des jeunes écrivains de Guinée (AJEGUI) jusqu’au récent renouvellement du bureau.  Par ailleurs, je suis membre de l’Union des écrivaines de l’Afrique (UEA). Je suis également en parfaite collaboration avec les écrivains de la région ouest-africaine.

Qu’avez-vous à dire aux femmes pour qu’elles entendent les messages que vous véhiculez à travers l’écriture ?

Le courage, la persévérance et surtout connaître ses droits et devoirs. C’est bien beau de connaître ses devoirs, mais c’est encore mieux de connaître ses droits. Une fois que tu connais tes droits, personne ne te marchera déçu. Ensuite, accepter de se former et de s’informer, avoir une culture générale parce qu’aujourd’hui, on est dans un monde de compétitivité. Si vous n’êtes pas capables, on vous mettra dans des postes de responsabilité juste pour respecter le quota de l’équité du genre, sans pour autant respecter votre bagage intellectuel. Donc, n’occupons pas des postes de responsabilité pour respecter le genre, mais plutôt parce que nous sommes capables et valables. Donc, ce que je dirai aux femmes, c’est de s’armer de courage et de se fixer des objectifs. Le pouvoir, ça s’arrache. Il faudrait aller à fond dans la formation pour être compétitive sur le marché de l’emploi et surtout prôner la sororité entre nous femmes.

Interview Réalisée par

Kadiatou Diallo