« La vie est telle une flamme, un jour elle finit par s’éteindre ». Le jeudi, 15 juin 2017 restera pour le Groupe Lynx-Lance une date mémorable. Pour la simple raison que ce jour fatidique, la mort emporta notre confrère Assan Abraham Keïta, directeur de publication du satirique du lundi. La longue maladie qui l’a éloigné de la rédaction pour plusieurs semaines a ainsi eu raison de lui, au mois saint de ramadan. Exauçant probablement le vœu du défunt, un fervent croyant et pratiquant.
Comme une peau de chagrin, l’équipe des pionniers du Lynx s’amincit progressivement. Ceux qui, en 1992, avaient cru en cette fabuleuse et exaltante aventure, se comptent désormais du bout des doigts. La liste des disparus de la rédaction est tout simplement impressionnante. Au-delà de l’émotion qui nous anime en ces moments d’évocation de ce souvenir, il nous revient de garder notre sang froid, et de faire preuve de sérénité. Cet exercice est difficile dans les circonstances de la disparition d’un proche.
Avec le recul, il est loisible de constater que le choix des personnes ayant lancé le satirique du lundi aura été judicieux. De la rédaction aux monteurs, sans oublier le service commercial, chacun aura joué avec professionnalisme sa partition. C’est dans ce registre qu’il y a lieu de mettre l’accent sur la participation de l’Ayatolynx pour rendre le canard attrayant. Assan Abraham Keita s’était spécialisé dans l’attribution des sobriquets aux politicards, que Le Lynx croquait au fil de la semaine, au gré de l’actualité. La titraille était son domaine de prédilection. Un travail d’orfèvre pour produire chaque semaine la Une Lynxée de l’hebdo.

Pour la petite histoire, fidèle lecteur du Canard-Enchaîné, on se rencontrait souvent au kiosque à journaux, où il se procurait le satirique français. Féru de musique et de sport, c’était un plaisir exquis d’échanger avec lui. KAA me fit la confidence que lors de son long séjour abidjanais, c’est lui qui sélectionnait les titres que Boubacar Kanté programmait pour ses émissions. En novembre 2004, je réalisai avec monsieur Keïta, sur les antennes de la défunte RGI (Radio Guinée Internationale), qui émettait en FM, un mémorial, pour évoquer le souvenir de Boubacar Kanté. Ce jour-là, M. Keïta vint avec le support d’une émission, que le célèbre journaliste avait produite à la RTI de la Côte d’Ivoire. Un régal pour les auditeurs…et un malheur pour moi. Depuis cette mémorable émission, je fus interdit d’animer à cette radio. Au motif que les personnes extérieures n’avaient pas le droit d’antenne, après de bons et loyaux services rendus cinq mois durant en qualité de consultant, tous les dimanches de 15 heures à 18 heures…
Que retenir de celui qui avait fini par confondre sa vie au Lynx ? Le satirique était devenu sa raison de vivre. Il avait sacrifié sa vie de famille au profit du canard. Je le revois encore se triturer les méninges, pour trouver le mot juste dans un texte et trouver le titre Lynxé d’un article. Sans exagération, Assan Abraham Keïta était un perfectionniste. Comme le bijoutier ou le sculpteur qui cherche la forme idéale à son œuvre, l’Ayatolynx se donnait un mal fou dans ses corrections. Ses éclats de rire qui animaient la salle de rédaction nous manquent tant !
Thierno Saïdou Diakité