Aujourd’hui encore, ils vont couper leur jeûne dans la rue. Les bulldozers de Ibou Kourouma ont sinistré les habitants de Dar-es-salam II, ce jeudi, en début de journée. À l’image de Kipé II, ceux de Dar-es-salam n’ont pas eu le temps de sortir leurs affaires en dépit des multiples communiqués du ministère de la Ville. Le dernier communiqué annonçait le déguerpissement cette semaine, sans aucune précision de la date ni de l’heure. Les occupants n’ont pas anticipé le désastre. L’effet ‘’surprise’’ a contribué à alourdir les dégâts. Sur les ruelles qui mènent à Darsalam II, c’était l’exode. Des femmes qui évacuent leurs frigos sur la tête, un père de famille qui sauve son lit, une vieille femme qui traine une marmite, un jeune qui tire un matelas sur la boue et la poussière. Une famille qui défait tôles, portes et meubles de sa maison, des bébés qui pleurent, des femmes en sanglots, des curieux choqués. Chaque famille évacue ce qu’elle peut. Le plus dur, ils n’ont pas où aller. Toutes les rues ont été transformées en dépôts de fortunes géants. Ainsi, Ibou Kourouma et son gouvernement ont jeté des centaines de familles dans la rue, en ce mois de ramadan. Sans indemnisation. Sans recasement. Un sounakati de premier choix.
Sur place, aucune autorité n’a pointé du nez. Flics et pandores anti-émeute ont infesté le buisson. Les jeunes ont tenté une résistance. Barricades et jets de pierre contre gaz lacrymogène. Démunis et impuissants, les résidents ne pouvaient pas rivaliser, au point d’empêcher quoi que ce soit. Pendant que certains agents dispersaient les frustrés, les autres surveillaient la casse. Le bulldozer de Ibou Kourouma a cassé maison sur maison, au rythme des pleurs des occupants qui disent s’en remettre à Allah.
Aboubacar Soumah dit avoir perdu trois appartements pour 10 chambres au total. Orphelin, il y vivait avec sa mère et ses frères depuis 1980 et dit avoir tous les documents légaux. « Quand le ministère a coché les bâtiments, les agents ont recensés les occupants et non les bâtiments comme au temps de Lansana Conté. Je suis parti à la direction de l’Urbanisme et de l’habitat avec les documents, j’étais accompagné d’autres familles ici qui avaient des documents aussi. La directrice nous a demandé de les lui montrer. Nous on a occupé cette terre en tant que coutumier, mais on a des documents. Elle a regardé, c’était OK. Elle a dit de les garder qu’elle va remonter les informations au niveau du ministre de la Ville Ibrahima Kouroua. Depuis, on a eu aucune information, aucun agent ne s’est déplacé pour venir nous rencontrer ».
Le dédommagement proposé par le gouvernement ne conviendrait pas. Seulement 20 millions de francs glissants quel que soit le local. Sieur Soumah ne sait plus où donner de la tête : « Je ne dis que je n’ai pas confiance à ce gouvernement, mais à l’heure-là c’est la tricherie. On nous a proposé 20 millions, cela ne nous arrange pas. Et on a expliqué cela partout sur les médias, mais comme il n’y a pas de vérité dans notre pays. On ne sait pas comment le dire autrement au gouvernement. Et même si on le dit, le gouvernement ne va pas prendre en compte. Sinon Mathurin Bangoura est venu ici quand il avait la charge de l’assainissement, il est parti dire au Président qu’on ne doit pas déposer les ordures ici. C’est à cause de cela qu’on lui a retiré la gestion des ordures ». Maintenant qu’il n’a plus de toit ni aucun sou, sieur Soumah dit que si sa maman est intéressée par les 20 millions elle peut aller les prendre. Lui dit ne pas être intéressé. En attendant tout ce qu’il sait c’est qu’il « n’a rien et n’a pas où aller ».
Ces miséreux viennent gonfler la liste des victimes de déguerpissement de Kaporo, Kipé II et Dabondi. En 9 ans de gouvernance, l’Alpha gouvernance peine à trouver des logements sociaux, mais se plait à démolir les maisons que des pauvres personnes ont bâti brique après brique pendant des années, sans ménagement. Alors que le Code foncier oblige le gouvernement à dédommager à juste valeur ou à recaser d’abord avant de démolir. La devise de : toujours détruire, jamais construire est en marche. C’est plus aisé.