Le landernau politique de la France et de Navarre est sorti abasourdi, voire déboussolé des élections européennes mais aussi et surtout des législatives françaises anticipées. A la pêche aux Eurodéputés, Le Pen et Bardella n’ont pas fait dans la dentelle pour ratisser large. Et ils ont ratissé large, permettant au Rassemblement national (RN) de terminer la course en tête. Pour la première fois sous la 5ème République, l’Extrême Droite s’est retrouvée dans cette posture confortable. Un véritable pied de nez à la Macronie.
Sans doute sous l’émotion de la frustration, Emmanuel Macron prend la grave et imprudente décision de dissoudre l’Assemblée nationale de peur de cohabiter avec un Parlement hostile. Mal lui en a pris. A l’issue de ces élections, il n’y a pas de majorité absolue. La bipartition de l’Assemblée (droite-gauche) qui rendait hier le jeu politique limpide, disparaît. Les repères et la visibilité s’envolent. On est dans un milieu similaire à celui d’une population de Caméléons. Les couleurs changent. Aucune majorité ne semble résister aux turpides de l’Assemblée. Macron a toutes les difficultés du monde pour en constituer une qui soit tant peu soit peu résiliente face à la verve et aux manœuvres dilatoires dont seuls les parlementaires ont le secret.
Mais cette façon de faire est bien une spécificité française. Dans la plupart des pays voisins (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, etc.) le Président ou le Roi aurait désigné le Premier ministre qui se serait « débrouillé » tout seul pour constituer une majorité susceptible de soutenir et faire aboutir ses initiatives à l’Assemblée. Macron s’est mis à découvert, à farfouillé sans trouver de Premier ministre consensuel et cela durant près de deux mois. Les Jo lui ont donné du répit en couvrant une bonne partie de ce temps. Le monde a assisté, médusé, à ce spectacle désolant, inédit sous la 5ème République française. Les noms des candidats se sont succédé. Bien de prétendants et de rêves se sont évanouis aux grilles de l’Elysée. Les trois grandes forces politiques qui ont émergé aux lendemains des élections rivalisent alors d’ardeur et de mesquineries pour se neutraliser et contrarier le Président de la République. A l’exception sans doute des politiciens de Droite, du Centre et de Gauche, tout le monde se languit de ce feuilleton ringard, digne de la 4ème République. Chaque force brandit ses intérêts partisans comme condition sine qua non pour valider la proposition qui lui est faite.
Le Nouveau Front Populaire (Gauche), sous la férule de Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise), exige l’abandon pur et simple des réformes liées à la retraite alors que Macron et le Centre y tiennent comme la prunelle de leurs yeux. Le Rassemblement National (Marine Le Pen et Jordan Bardella) menace de rejeter la nomination d’un Premier ministre qui ne s’engage pas à réformer la loi électorale dans le sens du rétablissement de la proportionnelle qui lui est, bien entendu, très favorable. Ces espiègleries ont rappelé aux Français la vie politique en France durant les deux décennies 1940-1950 et que caractérisait l’instabilité. Le retour vers une pareille situation montre bien que la décision de dissoudre l’Assemblée Nationale a été inopportune. Macron a perdu la main. Fragilisé, il a péniblement déniché un Premier ministre de compromis, de Droite, en la personne de Michel Barnier, ancien Ministre de droite, mais surtout ex-négociateur du Brexit.
Les couacs et les difficultés actuels du jeune Président français ne sont pas aussi tendus que ça. Le parcours politique de l’homme est bref et atypique. C’est l’exemple du jeune homme pressé qui a enjambé des étapes cruciales de maturation de l’homme politique désirant d’atteindre les sommets de l’Etat. Il n’a donc ni l’expérience de François Mitterrand ni celle d’un Jacques Chirac. En politique, il est quasiment un dilettante. Le pauvre, il l’apprend à ses dépens.
Abraham Kayoko Doré