Il y a peu, les autorités cherchaient à démanteler, contre vents et marées, les zones jugées criminogènes de Cona-cris. Celles de l’Axe Hamdallaye-Kagbélen sont désormais les alliées du pouvoir.
Après la répression et les arrestations, le CNRD jette son dévolu sur les « ghettos » de l’Axe. Ceux-là même qu’il traitait de fauteurs de troubles. Depuis fin janvier, le Mouvement pour l’alternance en Guinée (MAG), soutien inconditionnel de la junte, s’affiche avec les membres des « Temples », pour convaincre de l’adhésion de l’Axe aux idéaux du général Mamadi Doum-bouillant. Mais qui sont ces jeunes qui flattent, face caméra, le Prési de la transition et son CNRD au nom de Hamdallaye-Kagbélen ?
Baba Alimou Barry : il a créé le MAG à Wanindara, avec d’autres jeunes du coin, pour s’opposer au tripatouillage constitutionnel d’Alpha Grimpeur et promouvoir la démocratie. Il militait à l’UFDG jusqu’à son arrestation en 2011, pour son rôle supposé dans l’attaque du 19 juillet contre le domicile privé d’Alpha Grimpeur à Kipé. Il sera condamné à de la prison ferme, avant d’être gracié avec son mentor, l’actuel Premier ministre, Amadeus Oury Bah. Depuis, il vogue au gré des intérêts du moment. Ses anciens amis du MAG l’accusent d’avoir détourné l’objectif du mouvement.

Mamadou Saliou Barry alias Si Allah Djabhii (Si Dieu le veut) : l’ancien membre d’un clan qui aurait longtemps terrorisé Hamadallaye s’est converti en défenseur du CNRD. Il serait fondateur du mouvement appelé ²La Sentinelle². Lors des accrochages entre pros et anti effigie du chef de la junte sur la route Leprince, il a été identifié armé d’une machette. L’image a fait le tour des réseaux sociaux. Si Allah Dhabhii est bien connu de la justice. Il a régulière séjourné à l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie, notamment pour « homicide ».
Nic Pé de Cosa : ce trentenaire, handicapé, règne sur la plupart des Temples (sanctuaires de consommateurs de stupéfiants) situés entre Cosa, Koloma… Il clame avoir rejoint le CNRD pour mettre fin aux violences sur l’Axe. Il dit avoir perdu son pied lors d’une manifestation de l’opposition, après avoir été blessé « par balle ». Une version sujette à caution : d’aucuns soutiennent qu’il aurait pris la balle nuitamment, il y a près de 10 ans, dans une histoire de vol.
Tahirou Condé, très connu à Bambéto, fait partie quant à lui de ceux qui gèreraient un Temple dans le coin dénommé Campement. Avant l’histoire de portraits de Mamadi Doum-bouillant, la politique était le cadet de ses soucis.
Alphadjo Wanindara, lui, a fait le tour des partis politiques depuis 2010 : UFDG-NFD-UFDG-UDRG. Il est accusé, avec le promoteur d’un mouvement de soutien à Wanindara 3, de faire des misères aux autres leaders du quartier qui rechignent à rallier le CNRD. Il compterait en revanche sur le soutien du Temple Base Kouday, à Wanindara Plaque 23. Un portrait géant du Prési de la transition trône d’ailleurs en ces lieux. Peinard.
Des alliés encombrants
Mamadou Sanoussy Bah, l’ami des hommes en tenue. Membre de la Délégation spéciale de Ratoma, son cas est particulier. Il dit à qui veut l’entendre qu’il ne sera plus jamais opposant en Guinée, qu’il mangerait à tous les râteliers. Ce qui a le mérite d’être sincère. A une conférence du MAG, le 26 janvier, il a avoué avoir rejoint le CNRD pour prendre sa « part ».
Djouldé Barry. Quand El Hadj Alsény Barry a pris les rênes de la Coordination nationale des Fulbhè et haali pular de Guinée, il s’est autoproclamé chef protocole. Mais il n’a pu garder le poste. La famille de l’opérateur comique, qui ne lui ferait pas confiance, l’aurait écarté peu à peu. Les mouvements de soutien au CNRD deviennent donc son point de chute.
Pour semer la zizanie entre les jeunes de l’Axe, les nouveaux alliés du CNRD peuvent compter sur la Délégation spéciale de Ratoma. Celle-ci est perçue comme un soutien financier à leurs actions sur le terrain. Le maire nommé de Ratoma, Ahmed Sékou Traoré, dément ; des jeunes, notamment de Bambéto, persistent. La Sentinelle se serait divisée suite à un mauvais partage du fric. « La mairie nous a donné 5 millions, une seule personne [Mamadou Saliou Barry alias Si Allah Diabhii] en a mangé 2 », enrage, sous anonymat, un mécontent qui a claqué la porte.
Ahmed Sékou Traoré a réuni le 11 mars imams, chefs de quartier, syndicats de taxi motos… pour proférer des menaces contre ceux qui ont décroché les portraits de Mamadi Doum-bouillant sur l’Axe Hamdallaye-Cosa. « Si un enfant est appréhendé en train de saboter l’effigie de notre Président, il en assume les conséquences. Il ne faut pas demander pardon après. Quand quelqu’un vient saboter un père de famille, ses enfants vont s’occuper de lui. Notre papa de la nation, notre père de famille, c’est le Général Mamadi Doumbouya. Ça me ferait mal qu’on chicotte un jeune de Ratoma, mais si c’est un malfaiteur, il faut qu’on le corrige. » Celui qui avait brûlé l’effigie du Prési de la transition, à Kankan, est mort au gnouf.
Ni sur l’Axe, ni au niveau du pouvoir, les nouveaux alliés ne semblent faire l’unanimité. Des membres du MAG ont été reçus par Amadeus Oury Bah, mais l’entourage du Doum-bouillant serait réticent de s’afficher avec eux.
Yacine Diallo