Le boa est ce serpent sans venin et qui ne mord pas. Il n’a pas besoin. Il s’enroule. Il serre. Il attend. Il serre encore. Il laisse juste assez d’air pour qu’on y croie encore, qu’on s’agite un peu, qu’on tente de résister. Et puis, quand on pense que ça va passer, il resserre encore un peu plus.
L’UFDG n’est pas dissoute. Non. Ce serait trop brutal, trop évident, trop bruyant. Et le bruit, c’est mauvais pour les affaires. Ça attire les regards. Ça énerve la communauté internationale. Ça pousse les gens à descendre dans la rue. Or, la junte n’aime pas les foules. Elle préfère le silence. Un silence où l’on étouffe, sans cris, sans lutte, juste une lente agonie.
Alors, ils font les choses autrement. Avec méthode. Avec patience. Avec cynisme. Ils commencent par un rapport. Un rapport qui suspend les partis comme on suspend le temps. Puis vient la justice, leur fidèle servante. Un juge, une décision. Hop. Congrès suspendu. Hop. Administration paralysée. Tout en douceur. Rien de violent, juste des règles, des procédures, des textes de loi. Les cordes avec lesquelles on pend les démocraties sont toujours bien écrites.
Le supplice du sursis
45 jours. Un cadeau empoisonné. Un sursis qui n’en est pas un. Un chronomètre qu’on actionne en sachant très bien qu’il n’atteindra jamais zéro. D’ici là, tout sera prêt. Les dissidences internes auront été soigneusement exacerbées. Ousmane Gaoual Diallo jouera son rôle. L’UFDG sera trop divisée, trop affaiblie, trop engluée dans ses propres contradictions pour se battre. Et au bout du compte, le couperet tombera, sans éclat, sans drame.
On annoncera alors, d’un ton grave mais juste, que « malheureusement, l’UFDG n’a pas su se conformer aux exigences légales ». Qu’il « est regrettable qu’un grand parti n’ait pas pu s’adapter à la nouvelle dynamique démocratique ». La belle blague. Une démocratie où on étouffe l’opposition en lui fermant la bouche et en lui disant qu’elle respire mal.
L’art de tuer sans assassiner
La junte ne veut pas une opposition forte. Elle veut une opposition docile. Une opposition de salon, bien habillée, bien cadrée, qui grogne mais ne mord pas. Qui proteste mollement mais finit toujours par avaler la pilule.
Cellou Dalein Diallo le sait. Son parti est sur une table d’opération. On l’ouvre, on le découpe, on l’observe saigner, mais on ne l’achève pas encore. Pas tout de suite. Tuer vite, c’est risquer une révolte. Mais l’affaiblir lentement, c’est s’assurer qu’il ne se relèvera jamais.
On parlera de processus démocratique, de régularisation administrative, de réorganisation nécessaire. Mais tout ça n’a qu’un seul but : que l’UFDG arrive aux élections sous perfusion, incapable de bouger, incapable de se battre, incapable de gêner le plan de la junte.
La fin est déjà écrite
On connaît la suite. Dans quelques mois, Mamadi Doumbouya ou un candidat favorable au CNRD sera « élu » dans une élection « ouverte et transparente ». On se félicitera du climat de paix. Les chancelleries applaudiront la stabilité retrouvée. Cellou Dalein Diallo sera peut-être assigné à résidence, ou exilé, ou juste maintenu sous contrôle, trop affaibli pour protester.
Et l’UFDG ? On parlera d’elle au passé. Comme d’une promesse trahie, comme d’un souvenir, comme d’un cadavre dont on oublie jusqu’à l’odeur.
Le boa aura fait son œuvre. Sans bruit. Sans scandale. Juste avec méthode.
Alpha Bacar Guilédji
« Écrasons l’infâme »