Parler de nos jours d’explosion démographique des villes africaines est une lapalissade. La tendance a eu généralement pour effet, l’apparition sur le continent d’entités urbaines mal structurées, désordonnées et insuffisamment équipées. Pour corriger ces tares dans la perspective de créer des villes plus vivables, des colloques regroupant des politiques, des architectes, des urbanistes, des ingénieurs et des banquiers se tiennent périodiquement çà et là. Dans ce cadre, un symposium panafricain a réuni les professionnels du secteur à Dakar, du 23 au 26 mai dernier autour du thème : «Repenser nos villes dans une perspective de développement durable».
La capitale guinéenne n’échappe pas à ce triste sort des agglomérations africaines même si elle a été conçue par le gouverneur Noël Ballay pour devenir la perle de l’Afrique de l’Ouest, à cause de son site féérique. Conakry s’est développée et continue de se développer en dehors des normes urbanistiques conventionnelles, quoiqu’une planification pertinente ait été par moments élaborée (planification proposée par les Yougoslaves en 1961). C’est dire que Conakry a grandi à vue et a subi donc aujourd’hui les avatars de ce type de croissance.
Le développement désordonné de la ville est reflété par la non-affectation de fonction précise aux différentes zones urbanisées. Quartiers résidentiels, centres d’affaires et zones industrielles s’enchevêtrent, se côtoient indistinctement. L’occupation côtière est débridée et ne se soumet à aucun code. Elle est sauvage. Pour tout dire, elle défie toutes règles d’urbanisme. Pourtant, le méchant colon français a légué aux futures gestionnaires de la ville un exemple en la matière, à savoir l’aménagement de la corniche sud qui ceint Kaloum. Au-delà de cette corniche, rien n’obstrue l’accès à la mer qui reste donc libre à toutes et à tous.
Mais l’aspect le plus préoccupant de l’aménagement urbain est l’accès à la propriété foncière, source de graves et perpétuels conflits domaniaux. L’État, généralement en retard sur la demande des populations en ressources foncières constructibles, autorise les propriétaires coutumiers, détenteurs de domaines agricoles atteints par l’urbanisation, à sommairement aménager leurs propriétés foncières, pour les céder à d’éventuels acquéreurs, sans actes notariés, ni enquêtes de commode et incommode. Cette transaction foncière directe entre offreurs et demandeurs de biens fonciers n’est donc pratiquement garantie par aucun acte l’égale. On n’est donc guère surpris que le marché foncier du Grand-Conakry soit une véritable chienlit, un grand bazar.
Une autre insuffisance de la production de logements, sociaux et de standing, est la médiocrité de l’aménagement et de l’équipement des terrains à bâtir. Cet aménagement n’inclut aucune infrastructure sociale de base (eau potable, électricité domestique et publique, réseaux d’égout, évacuation des eaux de ruissellement et des ordures ménagères). Il n’est que sommaire. Généralement, ce n’est qu’après des années que ces infrastructures sont peu à peu mises en place. En attendant, les habitants se débrouillent comme ils le peuvent. Cette situation est particulièrement grave au niveau de la gestion des ordures ménagères dont la collecte, l’évacuation et le traitement restent toujours insolubles. Des monticules de déchets encombrent les rues de Conakry. Enfin, la forme longitudinale du site de Conakry oblige la ville à s’étirer de la presqu’île de Kaloum vers les quartiers nord sur une étroite bande de terre. Ce qui crée d’imposants embouteillages que l’État n’est pas encore parvenu à gérer avec l’efficacité requise.
En dépit de plusieurs initiatives, (politiques et programmes de développement urbain), la problématique de l’organisation de la ville en Guinée demeure entière. Les autorités actuelles envisagent l’édification d’une ville nouvelle dans le cadre du projet «Simadou 2040», une ville où les normes urbanistiques seront rigoureusement respectées et où il fera donc bon vivre.
Abraham Kayoko Doré