L’indignation a fini d’envahir la Guinée. De quelque côté que vous vous tourniez, vous verrez qu’elle s’impose à vous. A nous. A tout. A tous. Elle altère notre environnement. Elle affecte notre quotidien. Jusqu’à l’histoire récente du pays. Individuellement. Collectivement. Avec un peu de recul, l’on se rend compte que c’est maintenant que l’on a pu, que l’on a dû, que l’on a su la soupeser, la retourner dans tous les sens, la mesurer, la confronter à l’idée nauséabonde que le Président Grimpeur avait lancée à la figure des Guinéens en 2010, selon laquelle il avait trouvé, le 21 décembre 2010 de cette année-là, non pas un Etat, mais un pays. Alpha a balancé cette énormité probablement sans l’avoir murie. Dix ans après, elle s’est révélée dans toute sa nudité, dans toute son horreur, dans toute sa brutalité, dans toute sa sauvagerie. Inutile d’avoir peur des maux pour lui restituer toute sa signification, si grimaçante, si brutale, si amère soit-elle. C’est maintenant qu’elle choque, à l’épreuve du temps. En dix ans, les Guinéens ont eu tout le loisir de la méditer, de la disséquer, de la comparer à elle-même afin de tirer la seule conclusion qui vaille, celle de constater que comme la quasi-totalité des formules-chocs, elle est vide de sens. Du Toto à l’état pur.

Ne vous demandez même pas ce qu’en aurait pensé Nietzsche, mais on ne pouvait pas faire autrement ! Dans aucun État normal, Alpha Condé n’aurait gagné la présidentielle de 2010. Heureusement que la Cour Constitutionnelle de l’époque a su solder le compte. Le Président a grimpé sur un piédestal chancelant, mais un piédestal quand même, pour être proclamé président de tous les Guinéens. En 2020, il l’est encore. Il l’est toujours. Mais le réveil aura été brutal. Dans la première décade de janvier, son propre fief l’a ramené à la dure réalité de sa gouvernance. Il s’est rendu à l’évidence que le pays s’est mis à foutre le camp. Il balance entre l’émiettement et l’effritement. A Kankan, on a cherché les Peuls à la loupe. Avec un vocabulaire génocidaire digne du Rwanda de 1994. Il fallait identifier et marquer au fer incandescent, les cornes tordues des moutons de Cellou. Les réseaux sociaux ont même prévenu que « le 13 janvier, tout chien enragé qui hasardera son nez dehors sera abattu purement et simplement. »

Heureusement qu’aucun vétérinaire averti n’a fait allusion à l’appel à manifester lancé pour le même jour par le FNDC. Toute assimilation canine à un être humain ne saurait relever que d’une spéculation diffamatoire. Même la casse du siège de l’UFDG de Kankan ne serait qu’une marque indélébile de solidarité militante. C’est certainement pour qu’il soit reconstruit avec beaucoup plus d’aplomb. A moins que le pays sans Etat qu’Alpha avait trouvé en 2010 n’en profite pour montrer son incapacité à se relever. Mais, il n’en fallait pas plus pour que le mardi 14 janvier, surgisse Talion dans une bonne partie du Fouta. Labé brûle les locaux de son tribunal pour rendre justice. Pita pourchasse son Khalife général pour faire exaucer ses prières. Dalaba recherche les Malinkés dans les taxi-brousse. Le moment est venu pour les Guinéens de chanter l’hymne de la Guinée fière et jeune qu’Alpha Condé est en train de vendre à ses alliés russes et chinois. C’est plus gai qu’un génocide, non ?

DS