« Un chef qui n’a plus pour trône qu’un rocher, et pour royaume un coin dans le maquis, combien de temps restera-t-il caché? » (Tassane Ouyi)
« Tu es condamné à errer à jamais, pour le reste de ta vie sur les flots et à être rejeté d’île en île, de terre en terre ». C’est le triste sort de Télémaque, fils d’Ulysse contre lequel une terrible malédiction est proférée dans la mythologie grecque. Tel semble également le sort de l’ancien président burkinabè déchu, Blaise Compaoré, banni de son pays, et condamné à errer comme une âme en tourments. A cause de sa soif inextinguible du pouvoir.
Après six ans d’exil en Côte d’Ivoire où il a été naturalisé ivoirien, pensant être définitivement à l’abri, Blaise Compaoré, en prévision des troubles que pourrait engendrer le 3ème mandat de son mentor Ouattara, a été contraint de quitter son nouveau pays d’adoption pour le Togo. On ne sait pas s’il envisagera d’acquérir la nationalité togolaise aussi, mais il n’est guère à l’abri non plus ici. Si demain, le pouvoir change de main -heureusement pour lui que le clan Gnassingbé a transformé la République en royaume-, il sera de nouveau obligé de trouver une autre destination.
Tel est le sort peu glorieux de celui qui fut hier un président tout-puissant dans son pays où il disposait d’une multitude de palaces mais qui aujourd’hui est devenu un sans domicile fixe (SDF), errant de pays en pays à la recherche d’une terre d’asile. Voilà jusqu’où sa boulimie du pouvoir l’a conduit. Ceci aurait pu servir de leçon à ses pairs et compères, Faure Gnassingbé, Alassane Ouattara, Alpha Condé. Mais groggy par le pouvoir, ils ont perdu toute raison. Donnant raison à Jacques Le Goff qui affirmait que « jamais personne ne s’empare du pouvoir avec l’intention d’y renoncer. La drogue du pouvoir les rend tous sanguinaires ». Mais leur sort risque d’être aussi terrible que celui de Blaise Compaoré.
Le « Monsieur bons offices » comme on l’appelait, aurait pu devenir aujourd’hui un sage ancien président respecté à qui se référerait la communauté internationale pour tenter de résoudre des crises sociopolitiques dans la région ouest-africaine en bon médiateur privilégié qu’il était lorsqu’il était aux affaires. Longtemps, Blaise Compaoré s’est posé en garant de la stabilité, non seulement dans son pays mais aussi dans les pays d’Afrique de l’Ouest : le Libéria, Togo, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali. Il a aussi œuvré à la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. On lui devait en effet, grâce à sa médiation, les différentes libérations d’otages occidentaux enlevés par Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) dans le Sahel. Même si ses contempteurs estiment que c’était lui plutôt qui montait les enchères.
Blaise Compaoré n’a pas su modérer ses appétences du pouvoir. Après 27 années de règne sans partage, insatiable, il a décidé vaille que vaille de tripatouiller la Constitution pour se maintenir à la tête du Burkina Faso. Les incessants appels à la raison n’ont rien fait. A l’époque, la France l’aurait proposé, dit-on, pour succéder à Abdou Diouf à la présidence de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Une porte de sortie que l’intéressé a déclinée.
Blaise Compaoré était déterminé à aller au bout de son projet de présidence à vie. Mal lui en a pris. Il fut emporté par un vent de révolte. Chassé du pouvoir par la rue, l’ancien homme fort du Burkina-Faso est en train d’errer comme un damné de la terre.